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mardi, 03 mars 2009

Néo-nationalisme et "Neue Rechte" en RFA de 1946 à 1988

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

Néo-nationalisme et «Neue Rechte» en RFA de 1946 à 1988

par René LAUWERS

Placer la "Nouvelle Droite" allemande sous la loupe n'est pas une chose aisée; d'abord parce que le terme n'est ni utilisé ni revendiqué par les hommes et les regroupements que les journalistes rangent arbitrairement sous cette étiquette. En effet, le vocable "Neue Rechte" est une création de journalistes, une paresseuse commodité de vocabulaire qui désigne les tentatives d'innovation idéologique et pratique qui sont survenues dans le camp "nationaliste" en RFA. Récemment, Margret Feit a tenté de mener une enquête dans ce landernau et il en est sorti un livre, épais de 244 pages qui foisonnent d'informations utiles mais aussi, hélas, de commentaires incongrus et de simplifications abusives.

La raison de ces déraillements est simple: Margret Feit est une militante anti-fasciste professionnelle, une de ces Don Quichotte qui, quarante après l'effondrement spectaculaire du Reich de Hitler, passe son temps à harceler des fantômes de plus en plus poussiéreux. Mais la variante de son donquichottisme diverge un peu de celle de ses collègues francophones de la bande à Article 31  (Paris) ou à Celsius  (Bruxelles); ceux-ci s'emmêlent les pinceaux, fabriquent des complots rocambolesques où l'on voit, par exemple, le Ministre de la Justice belge Jean Gol, libéral et israëlite, planifier, dans un arrière-restaurant bruxellois, l'émergence d'un gigantesque réseau para-militaire avec l'ancien chef du mouvement Jeune Europe, Jean Thiriart, et un représentant du Président zaïrois, Mobutu Sese Seko! Margret Feit ne pousse pas la plaisanterie aussi loin.

Pourquoi lire ce livre?

Si les gugusses d'Article 31, deCelsius,  leur copain flamand qui sévit au Morgen  et le non moins inénarrable Maurice Sarfatti, alias Serge Dumont, plumitif au Vif/L'Express  dont les collègues se gaussent en privé en disant, poliment, "Il est resté un grand adolescent...", relèvent tous de la fantaisie charmante, de l'incurable gaminerie des fils à papa des Golden Sixties,  Margret Feit effectue un travail plus sérieux; elle est de la variante masochiste, celle qui traque (mal) ses propres fantasmes mais collectionne quand même les documents authentiques afin de dénoncer, croit-elle, un véritable réseau, perclus de méchanceté et prêt à se jeter sur la pauvre démocratie comme le loup de la fable sur l'agneau tendrelet. Mais Dame Feit est archiviste, elle cite ses sources et c'est pourquoi son livre vaut une note, même s'il ne contient pas d'index et si le canevas des chapitres qui se veulent une analyse du contenu intellectuel de la "Neue Rechte" est purement et simplement repris d'un livre utile et bien fait, paru en 1975 (il y a 14 ans!) et dû à la plume de Günter Bartsch (1).

Il vaut plus d'une note si on le débarrasse de ses fantasmes, certes traqués, mais qui reviennent à chaque paragraphe au grand galop, pour être sans cesse repoussés par l'énergie terrible que déploie le désir quasi névrotique de Margret Feit d'acquérir tout de même un brin de respectabilité scientifique. Considérons donc que ce livre à une certaine valeur, qui demeure cachée derrière des broussailles de fantasmes, et qu'il faut savoir le lire avec l'adresse d'un défricheur professionnel.

Le camp nationaliste avant l'avènement de la "Neue Rechte"

Dès 1946, apparaît la DReP (Deutsche Rechts-Partei; = Parti Allemand du Droit), fusion de la DKoP (Deutsche Konservative Partei) et de la DAP (Deutsche Aufbau-Partei; = Parti Allemand de la Reconstruction), deux formations nées en 1945. La DReP, dirigée par Fritz Dorls et Fritz Rößler, était trop hétérogène pour pouvoir durer; l'aile conservatrice se sépara de l'aile socialisante qui, avec les deux chefs de file, forme en 1949, la SRP (Sozialistische Reichs-Partei). En octobre 1952, le gouvernement interdit ce parti, sous la pression des alliés, inquiets parce qu'il avait fait preuve d'un certain dynamisme (1951: 11% des voix en Basse-Saxe et 16 sièges). Le parti s'était opposé à la politique pro-occidentale d'Adenauer, luttait pour une Allemagne réunifiée dans la neutralité et concurrençait sérieusement les "gauches" grâce à son programme social audacieux. Margret Feit ne souffle mot de cet engagement résolument non droitier... L'interdiction oblige les militants à changer de sigle et à modifier le style de leur propagande. Ce sera, notamment, la DRP (Deutsche Reichs-Partei) qui prendra le relais en enregistrant encore un certain succès en Basse-Saxe (8,1%, plus que les libéraux de la FDP). Le redressement économique joue cependant en faveur des partis confessionnels et de la SPD.

Du nationalisme étatique au nationalisme plébiscitaire et "basisdemokratisch"

A la suite de l'échec et de l'interdiction de la SRP et de la stagnation de la DRP, les milieux nationalistes opèrent une sorte de retour sur eux-mêmes. Les plus audacieux rejettent toutes formes de pro-occidentalisme et choisissent un neutralisme ou une forme allemande de gaullisme. Mais les critiques se portent essentiellement contre les reliquats d'étatisme bismarckien que véhiculaient encore les dirigeants du "vieux nationalisme" de la SRP et de la DRP. Le noyau organisationnel de cette révision hostile à l'étatisme centralisateur, ce fut la DG (Deutsche Gemeinschaft; = Communauté Allemande) d'August Haußleiter, issu de la CSU bavaroise. Cette DG était nationale-neutraliste et anti-libérale dans le sens où l'entendaient les principaux protagonistes de la "konservative Revolution" du temps de Weimar. L'Etat auquel aspirait cette formation se légitimerait, non sur la puissance d'un parti qui gagnerait les élections, mais sur la volonté populaire, génératrice d'une harmonie et d'une convivialité populaires. D'emblée, avec un tel programme, annoncé pour les deux républiques allemandes et pour l'Autriche, les militants de la DG ont pris le parti des peuples colonisés en lutte pour l'acquisition de leur indépendance (Egypte nassérienne, FLN algérien, etc.) car ces combats sont à mettre en parallèle avec la volonté des Allemands d'obtenir, eux aussi, leur propre auto-détermination.

En mai 1965, alors que les restes de la DRP venaient de se rassembler au sein d'une nouvelle formation, la NPD (National-Demokratische Partei Deutschlands), fondée en novembre 1964, la DG, avec le DFP (Deutsche Freiheits-Partei; = Parti Allemand de la Liberté) et la VDNV (Vereinigung Deutsche National-Versammlung; = Association pour le Rassemblement national-allemand), se mue en AUD (Aktionsgemeinschaft Unabhängiger Deutsche; = Communauté d'Action des Allemands Indépendants). Un clivage net se forme immédiatement: les vieux-nationalistes, étatistes, se retrouvent à la NPD, tandis que la gauche des nationaux, avec les principaux intellectuels, se retrouve à l'AUD.

De l'AUD à l'ouverture aux mouvements de gauche et à l'écologisme

Notons que la VDNV comptait dans ses rangs Wolf Schenke, fondateur d'une conception de "troisième voie" et partisan de la neutralité, et l'historien Wolfgang Venohr (cf. Orientations  n°3). L'AUD, fidèle à son refus des vieilles formules étatistes et fascisantes et à sa volonté populiste et organique, s'ouvrira à l'APO (Außerparlamentarische Opposition; = Opposition extra-parlementaire) gauchisante et fera sienne quantité d'arguments pacifistes et néo-démocratiques (dont l'objectif est l'édification d'une démocratie au-delà des partis et des familles idéologiques traditionnelles). Les pourparlers engagés avec l'APO échoueront (bien que plusieurs responsables de l'APO et du SDS, son organisation étudiante, se retrouveront dans les années 80 dans le camp néo-nationaliste) et les militants de l'AUD investiront les cercles d'écologistes, au nom d'un idéologème organique, de tradition bien romantique et germanique: la protection de la Vie (Lebensschutz).  Plusieurs de ces militants fonderont, avec des éléments plus gauchistes, le fameux "Parti des Verts" que nous connaissons aujourd'hui.

Les Strassériens: "Troisième Voie", Solidarisme, Européisme

Les Strassériens, regroupés autour d'Otto Strasser, constituent une composante supplémentaire du néo-nationalisme d'après 1945. Dès l'effondrement du IIIème Reich, Otto Strasser, depuis son exil canadien, envoie massivement des "Rundbriefe für Deutschlands Erneuerung" (= Circulaires pour le Renouveau Allemand) à ses sympathisants. Ces circulaires évoquent une réunification allemande sur base d'une "troisième voie européenne", axée sur un solidarisme qui renverrait dos à dos le capitalisme libéral occidental et le socialisme à la soviétique. Ce solidarisme abolirait les clivages de classe, tout en forgeant une élite dirigeante nouvelle. L'unité allemande, vue par Strasser, implique un neutralisme armé, noyau militaire futur d'une Europe indépendante qui doit devenir une puissance politique égale, sinon supérieure, aux USA et à l'URSS. Cette Europe serait l'alliée du Tiers-Monde, car les pays de ce Tiers-Monde devront fournir les matières premières à la "Fédération Européenne" en gestation.

Pour soutenir et diffuser ce programme, les Strasseriens ouest-allemands fondent en 1954 la DSU (= Deutsche Soziale Union). Plusieurs militants nationaux-révolutionnaires y ont fait leurs premières armes, notamment Henning Eichberg entre 1956 et 1959. En 1961, il passe à la VDNV de Venohr et Schenke (cf. supra). Ce passage implique un abandon de l'étatisme et du centralisme néo-strassériens et une adhésion au démocratisme populiste, dont l'AUD allait se faire le champion.

Auto-gestion ouvrière et nationalisme de libération

Dans cette même mouvance, apparaissent les "Vötokalisten" autour d'E. Kliese. Ce cercle politique élabore une théorie nouvelle de l'auto-gestion ouvrière, dérivée des principes du "socialisme allemand" (cf. Orientations  n°7 et Trasgressioni  n°4), seule véritable rénovation du marxisme en ce siècle. Cette théorie de l'auto-gestion formera le noyau de la doctrine sociale de l'UAP (= Unabhängige Arbeiter Partei), autre formation qui se crée au début des années soixante et qui se veut "la formation de combat pour un socialisme libertaire et démocratique de la nation allemande". Vötokalisten  et militants de l'UAP se réclament de Ferdinand Lassalle, fondateur de la social-démocratie allemande et admirateur de l'œuvre de Bismarck. Le lecteur francophone constatera ici combien proches de la social-démocratie sont les différentes variantes du néo-nationalisme allemand.

Ce socialisme allemand, à connotations lassalliennes, s'oppose tant à la NPD, jugé droitière, qu'aux communistes et à la SPD, jugés traîtres à l'idéal socialiste. Un personnage important apparaît dans cette mouvance: Wolfgang Strauss, ancien militant du parti libéral est-allemand (LDPD) et ancien forçat de Vorkhuta. Strauss se fait l'avocat d'un socialisme populaire et d'un nationalisme de libération, dont le modèle dérive, entre autres, de la résistance ukrainienne, du solidarisme russe et de la révolution hongroise de 1956. Le nationalisme est conçu, dans cette optique, comme le levain sentimental qui fera naître un socialisme proche du peuple, résolument anti-impérialiste, hostile aux super-gros, ethno-pluraliste.

Le déclin de la NPD

Malgré quelques succès initiaux lors des élections dans les Länder, la NPD ne parvint jamais à dépasser le score de 4,3% (en 1969) pour le scrutin fédéral. Le parti s'est divisé entre idéalistes et opportunistes, tandis que la mouvance du nationalisme démocratique, néo-socialiste et pré-écologique attire davantage les intellectuels et les étudiants. Cette strate sociologique est effectivement porteuse des principales innovations idéologiques du néo-nationalisme allemand à la veille de l'agitation de 68. Si l'on s'intéresse à cette germination constante plutôt qu'aux structures fixes, une analyse des associations étudiantes qui se sont créées en marge de la NPD (et souvent en opposition directe à elle) se révèlera très utile.

Plusieurs initiatives se succèderont dans le monde universitaire. Parmi elles, le BNS (= Bund Natio-na-ler Studenten; Ligue des Etudiants Nationaux) en 1956, sous l'impulsion de Peter Dehoust, l'actuel directeur de la revue Nation Europa  (Cobourg). De-houst et ses compagnons voulait appuyer le combat proprement politique des nationaux par une in-ter-ven-tion tous azimuts dans le domaine de la "culture", ce qui, dans le langage politique allemand, s'appelle en--gager un nouveau "Kulturkampf". Les disci-pli-nes que privilégiait ce "Kulturkampf" étaient bien en-tendu l'histoire et la biopolitique. Le BNS a assu-ré-ment constitué un modèle d'organisation bien conçu, mais son message idéologique était, sous bon nom-bre d'aspects, plus conservateur que le pro-gram-me et les intentions de la DG qui, plus tard, donnera l'AUD.

Les organisations qui prendront le relais dans les années soixante, entre la mise sur pied de la NPD et l'effervescence de 67-68, seront, elles, plus fidèles au populisme révolutionnaire et assez hostiles aux derniers linéaments d'étatisme. En octobre 1964, Sven Thomas Frank, Bodo Blum et Fred Mohlau fondent à Berlin l'IDJ (= Initiative der Jugend; Ini-tia-tive de la Jeunesse), qui, en 1968, fusionera avec quelques autres organisations militantes pour for-mer l'APM (= Außerparlamentarische Mitarbeit; Coopé-ra-tion extra-parlementaire); cette nouvelle ini-tia-tive était à l'évidence calquée sur l'APO (= Außer-par-la-mentarische Opposition) gauchiste. L'APM vi-sait à regrouper les nationaux, ceux qui ne re-non-çaient pas à l'idée d'une réunification allemande et ne cessaient de considérer Berlin comme la capitale unique de tou-te l'Allemagne.

Rudi Dutschke et Bernd Rabehl glissent vers une forme de nationalisme

Günther Bartsch souligne très pertinemment, au con--traire de Margret Feit, que, malgré le clivage ini-tial induit par la

question nationale, les groupes d'é-tudiants glissaient tous, gauchistes comme natio-na-listes, vers une forme nouvelle, militante et re-ven-dicatrice de nationalisme. Bartsch rappelle que les deux leaders gauchistes du Berlin de 68, Rudi Dut-schke et Bernd Rabehl, ne posaient pas du tout l'é-quation éculée: "nationalisme = fascisme". Au contraire, très tôt, Rabehl, dans plusieurs textes théo-ri-ques, insista sur le fait que les motivations natio-na-listes avaient joué un rôle de premier plan dans les révolutions française, russe, yougoslave et chinoise.

Dialectiquement, selon Rabehl, le natio-na-lisme re-cè-le une utilité progressiste; il dynamise le pro-cessus de l'histoire et provoque l'accélération des conflits de classe, donc le déclenchement des ré-vo-lutions so-cialistes. L'idéologie nationale permet de don-ner un discours unificateur aux différentes com-posantes de la classe ouvrière. A l'échelle du globe, poursuit Ra-behl, un néo-nationalisme allemand, por-té par la clas-se ouvrière, permettrait d'ébranler le condomi-nium américano-soviétique, incarnation de la réac-tion, de l'immobilisme, au XXème siècle, tout com-me le "système Metternich", issu du Congrès de Vienne de 1815, l'avait été au début du XIXème.

Dutschke, avec tout son charisme, appuya ce glis-sement entamé par son camarade Rabehl. Il alla mê-me plus loin: il écrivit que le XXème siècle alle-mand avait connu trois formes de socialisme ouvrier et révolutionnaire: la SPD socialiste, la KPD com-mu-niste et... la NSDAP de Hitler (à qui il re-prochait toutefois certaines compromissions et orien-ta-tions diplomatiques). Cette réhabilitation (très) partielle du rôle historique de la NSDAP démontre à l'évidence que l'anti-fascisme manichéen, qui fait rage de nos jours, n'avait déjà plus droit de cité chez les théo-ri-ciens gauchistes sérieux des années 60. Margret Feit ne souffle évidemment mot de ce glissement et évite, dogmatiquement, de se pencher sur la valeur théo-rique de cet argu-men-taire commun à la "Nouvelle Gauche" et à la "Nouvelle Droite". Bartsch constate que les mili-tants de gauche et les jeunes nationalistes avaient bon nombre d'idées en commun, notam-ment:

- le refus de l'establishment;

- la critique de la société de consommation;

- l'hostilité à l'encontre des manipulations média-ti-ques;

- le refus de l'hyper-spécialisation;

- l'attitude anti-technocratique à connotations écolo-gi-ques;

- l'anticapitalisme et la volonté de forger un nouveau socialisme;

- le mythe de la jeunesse rénovatrice;

- l'anti-bourgeoisisme où marxisme et niétzschéisme se mêlaient étroitement;

- la volonté de remettre absolument tout en question.

Pourquoi nationalistes et gauchistes n'ont-ils pas mar-ché ensemble contre le système, puisque leurs po--sitions étaient si proches? Bartsch estime que c'est parce que les nationalistes véhiculaient encore de ma---nière trop patente des imageries et des références du passé, tandis que la gauche maniait la théorie "cri--tique" avec une dextérité remarquable et béné-fi-ciait de l'impact retentissant du livre de Marcuse, L'homme unidimensionnel.  La césure entre les "sty---les" était encore insurmontable.

"Junges Forum" et "Junge Kritik": un laboratoire d'idées à Hambourg

La revue Junges Forum, fondée en 1964 à Ham-bourg, envisageait d'emblée de "jeter les bases théo-riques d'une pensée nouvelle". La volonté qui ani-mait cette intention, c'était de sortir du ghetto stric-te-ment politique, où se percevait une nette stagna-tion quant au recrutement de militants nouveaux, et de sug-gérer aux citoyens dépolitisés un message neuf, sus-ceptible de les intéresser et de les sortir de leur tor-peur. Ceux que Margret Feit nomme les "têtes pen-santes" de la "Neue Rechte" ont publié articles et manifestes dans les colonnes de Junges Forum. Par-mi elles: Wolfgang Strauss, Lothar Penz, Hans Am-hoff, Henning Eichberg et Fritz Joß. Les thèmes abor-dés concernaient: le renouveau intellectuel, la re-cherche d'une forme de démocratie plus satisfai-san-te, l'élaboration d'un socialisme organique, la réu-ni-fi-cation allemande, l'unité européenne, l'ébauche d'un ordre international basé sur les principes de l'or-ganicité, l'écologie, le régionalisme, le solida-ris-me, etc.

En 1972, le comité de rédaction de la revue publie un manifeste en 36 points, dont l'objectif avéré est de poser les bases d'un socialisme populaire et orga-nique, capable de constituer une alternative cohé-ren-te aux idéologies libérale et marxisante alors do-mi-nan-tes (le texte, sans les notes, est reproduit in ex-ten-so en annexe du livre de Bartsch). Ce manifeste exer-cera une influence relativement modeste chez nous, notamment dans certains cercles proches de la Volksunie, chez les solidaristes flamands, chez les régionalistes, chez quelques néo-socialistes et/ou so-lidaristes bruxellois, notamment dans la revue ly-céenne Vecteurs  (1981) dont il n'est jamais paru qu'un seul numéro, lequel reproduisait une tra-duc-tion adaptée du programme de Junges Forum,  par Chris-tian Lepetit, militant de l'AIB (Anti-Impe-rialistische Bond; Ligue Anti-Impérialiste) para-maoïs-te. Robert Steuckers diffusait ce mes-sage dans l'or-bi-te de la revue Pour une renaissance européenne, organe du GRECE-Bruxelles, dirigé par Geor-ges Hupin.

Nationalisme européen, nouvel ordre économique, philosophie et politique

Parallèlement à la revue paraissait une collection de pe-tits livres de poche, dénommée Junge Kritik.  Da-van--tage encore que les cahiers de Junges Forum,  les textes de réflexions alignés dans les pages des trois volumes de Junge Kritik  constituent la base es-sen-tielle d'une rénovation totale de la pensée natio-na-liste à l'aube des années 70 (la parution des trois premiers fascicules s'étend de 1970 à 1973). Mar-gret Feit, évidemment, ne s'intéresse pas à l'évo-lu-tion des idées: elle préfère fabriquer un puzzle de connections réelles ou imaginaires pour étayer une Xième théorie du complot.

L'objectivité nous oblige à recourir directement aux textes. Dans le volume n°1 (Nationalismus Heute; = Le Nationalisme au-jour-d'hui), les jeunes leaders Hartwig Singer (pseu-donyme d'Henning Eichberg), Gert Waldmann et Mi-chael Meinrad entonnaient un plaidoyer pour une européanisation du nationalisme et, partant, pour une libération de l'ensemble de notre sous-continent des tutelles américaine et soviétique. Le nationalisme rénové serait dès lors "progressiste" puisqu'il im-pli-querait, non la conservation de structures mortes (comme le suggère la vieille historiographie libé-ra-le/marxiste), mais la libération de nos peuples d'u-ne oppression politique et économique, fonctionnant à deux vitesses (l'occidentale et la soviétique), ce qu'a--vaient déjà envisagé les "dutschkistes" berli-nois.

Dans le second volume de Junge Kritik,  intitulé Leis-tungsgemeinschaft  (= communauté de presta-tion), Meinrad, Joß et Bronner développent le pro-gramme économique du néo-nationalisme: solida-rité des strates laborieuses de toutes les nations, pro-prié-té des moyens de production pour tout ceux qui pres--tent, limitation drastique des concentrations ca-pitalistes. Hartwig Singer, pour sa part, y publiait un Manifest Neue Rationalität  (= Manifeste pour une nouvelle rationalité), où le parallèle avec les ef-forts d'Alain de Benoist à la même époque saute aux yeux. Singer et de Benoist, en effet, voulaient, par le biais de l'empirisme logique anglo-saxon et de l'in--terprétation que donnait de celui-ci le Français Louis Rougier, lancer une offensive contre l'essen-tia-lisme des idéologies dominantes de l'époque. Singer ajoutait toutefois à ce message empiriste et rougiérien l'apport de Marx, pour qui toute idéologie cache des intérêts, et de Max Weber, théoricien du processus de rationalisation en Occident. Singer, s'ins-crivant dans un contexte allemand nettement plus révolutionnaire que le contexte franco-parisien, grèvé d'un anti-marxisme trop littéraire, osait mo-bi-liser le Marx dur et réaliste contre le Marx abstrait et faux des néo-moralistes. Ce qui permettait de corri-ger l'apoli-tisme de Rougier qui conduisait à un con-ser-vatisme BCBG, incapable de briser les incohé-ren-ces prati-ques du libéralisme ambiant de l'Oc-ci-dent.

Le néo-nationalisme est "progressiste"

Dans le troisième volume, qui eut pour titre Euro-päischer Nationalismus ist Fortschritt  (= Le Na-tio-na-lisme Européen, c'est le progrès!), Meinrad, Wald--mann et Joß reprenaient et complétaient leurs thèses, tandis que Singer, dans sa contribution ("Lo-gischer Empirismus"),  accentuait encore le modernis-me conceptuel de Junge Kritik;  la proximité de sa démarche par rapport à celle d'Alain de Benoist dans Nouvelle Ecole  en 1972-73 apparaît plus évidente encore que dans le texte Manifest Neue Rationalität. Singer non seulement cite abondamment Nouvelle Ecole  mais incite ses camarades à lire Monod, Rus-sell, Rougier et Heisenberg, quatre auteurs étudiés par Nouvelle Ecole. Singer ajoute que, de cette qua-druple lecture, il est possible de déduire un socia-lis-me de type nouveau (Monod et Russell), un néo-na-tionalisme (Heisenberg) et une nouvelle "conscience européenne" (Rougier). Rougier, en effet, avait dé-mon-tré que le génie européen était le seul génie ou-vert sur le progrès, capable d'innovation et d'adapta-tion. La rationalité européenne, selon Rougier, de Be-noist et Singer, transcendait largement les idéaux orientaux contemplatifs que la vogue hippy,  dans le sillage de 68 et de la contestation américaine contre la guerre du Vietnam, injectait dans l'opinion pu-blique. Le néo-nationalisme apparaissait dès lors com-me progressiste, car ouvert aux sciences moder-nes, tout comme il apparaissait progressiste aux yeux de Dutschke et Rabehl car il pouvait briser, par son énergie, l'oppression représentée par une aliéna-tion macro-politique: celle instaurée à Yalta.

Ce tandem philosophique germano-français ne dure-ra pas: quelques années plus tard, la revue Eléments, organe du GRECE et proche d'Alain de Benoist, attaque la mouvance écologique, dans laquelle les Al-le-mands se sentent directement engagés. Sur le plan de la défense nationale, les Français appuyent l'ar-mement atomique national, démarche dans laquelle les Allemands ne se sentent pas concernés. Ce n'est qu'à partir de 1982, quand Alain de Benoist tranche nettement en faveur du neutralisme allemand, que les positions respectives des Allemands et des Français se rejoignent une nouvelle fois.

L'apport flamand

En Flandre, le pays où, en dehors de l'Allemagne, Junges Forum  compte le plus d'abonnés, le soli-da-risme et le régionalisme de la revue hambourgeoise ont éveillé beaucoup d'intérêt, si bien que bon nombre d'écrivains (méta)politiques flamands ont contribué à l'effort de Junges Forum.  Citons, pêle-mêle: Jos Vinks (Le nationalisme flamand, 1977; Le pacifisme du mouvement flamand, 1981; La langue afrikaans, 1987), Roeland Raes (Le régionalisme en Europe, 1979), Willy Cobbaut (L'alternative solida-riste, 1981), Frans de Hoon (Approche positive de l'anarchisme, 1982), Piet Tommissen (Le con-cept de "métapolitique" chez Alain de Benoist, 1984), Robert Steuckers (Henri De Man, 1986). A l'oc-ca-sion du 150ième anniversaire de la Belgique, en 1980, Jos Vinks, Edwin Truyens, Johan van Her-re-weghe et Pieter Moerman expliquent, d'un point de vue flamand, les racines historiques et la si-tuation de la querelle linguistique en Belgique. La contribution française se limite, en 1984, à un texte d'Alain de Benoist définissant la "Nouvelle Droite" et à un essai de Jacques Marlaud sur la théorie grams-cienne de la métapolitique et sur son appli-cation pratique par la "Nouvelle Droite".

On imagine ce qu'aurait pu donner, en Europe, une fusion du "dutschkisme", du néo-européisme et de la praxis gramscienne  -ce qu'a-vaient espéré les quelques lycéens bruxellois fran-cophones, regrou-pés autour de Christian Lepetit et Eric Delaan, avant que la dispersion universitaire et le service militaire ne les séparent... La mésaventure furtive de Lepetit et de Delaan mérite l'attention car elle montre que le néo-nationalisme néo-socialiste et régionaliste, pré-co-nisé par les Allemands, pouvaient séduire, au-delà des frontières, des garçons qui militaient dans la mouvance anti-impérialiste du maoïsme en pleine li-qué-faction.

Les "groupes de base" nationaux-révolutionnaires

Parallèlement à l'entreprise Junges Forum,  qui se pour-suit toujours aujourd'hui et qui fêtera ses 24 ans en 1988, la mouvance néo-nationaliste allemande s'est constituée en "groupes de base" (Basis-grup-pen). Le terme est issu du vocabulaire de la con-tes-tation gauchiste. Les organisations étudiantes de gau--che avaient débordé le cadre universitaire et en-va-hit les lycées et les usines. L'émergence du "grou-pe de base" si-gnifie que, désormais, il existe une im-brication des révolutionnaires nationaux dans toutes les couches de la société. Cette diversification pos-tule une décentralisation et une relative auto-no-mie des groupes locaux qui doivent être prêts à intervenir à tout moment et très vite dans leur ville, leur lycée, leur usine, sans devoir s'adresser à une instance centrale.

                                                        

Agitation à Bochum

La stratégie des "groupes de base" se manifestera de la façon la plus spectaculaire à l'Université de la Ruhr à Bochum. Un groupe d'activistes néo-natio-na-listes y militait efficacement et y avait fondé un jour-nal, le Ruhr-Studenten-Anzeiger.  Autour de cet-te feuille militante, s'organise en 1968 un "Repu-bli-kanischer Studentenbund" (RSB; = Ligue des Etu-diants Républicains) qui se propose de devenir un con-tre-poids au SDS gauchiste. L'affrontement n'al-lait pas tarder: les militants du RSB reprochaient au SDS d'organiser des grèves sans objet afin d'asseoir leur pouvoir sur les masses étudiantes. Au cours d'un blocus organisé par les gauchistes, le RSB prend l'université de Bochum d'assaut et proclame, avec un langage marxiste-populiste, son hostilité aux "ex-ploiteurs" et aux "bonzes" du SDS, devenus par--ties prenantes d'un néo-establishment, où le gau-chisme avait désormais sa place. Les proclamations du RSB, rédigées par Singer, étaient truffées de ci-tations de Lénine, de Marx et de Mao. Singer se ré-fé-rait également aux discours tenus par les agitateurs ouvriers berlinois contre les fonctionnaires commu-nistes d'Ulbricht, lors du soulèvement de juin 1953. Les révoltés insultaient les fonctionnaires est-alle-mands de la SED, marionnettes des Soviétiques, de "singes à lunettes", de "patapoufs adipeux" et de "ronds-de-cuir réactionnaires". Cette annexion du vo---cabulaire marxiste et de la verve berlinoise de 53 irritait les gauchistes car, ipso facto, ils perdaient le monopole du langage-choc militant et entrevoyaient une possible intrusion des NR dans leurs propres milieux, avec le risque évident du débauchage et de la contre-séduction...

Les bagarres de 1968 et l'adoption par les natio-na-listes d'un langage puisé dans l'idéologie marxiste, bien qu'elles aient surpris le SDS, n'eurent guère d'échos en dehors de la Ruhr et durent affronter la cons-piration du silence. Le RSB et le Ruhr-Stu-den-ten-Anzeiger   disparurent, sans pour autant entraîner la disparition totale d'une agitation nationaliste de gauche à Bochum. Ainsi, au début des années 70, les nationalistes participent aux manifestations de la gau-che contre la spéculation immmobilière et l'augmentation des loyers et reprennent à leur comp-te le slogan des groupes trotskystes: "La division de l'Allemagne, c'est la division du prolétariat alle-mand!". L'aventure du RBS est en ceci significative pour l'évolution ultérieure du néo-nationalisme alle-mand (que Margret Feit nomme abusivement "Neue Rechte"), qu'elle marque sa transition définitive vers la gauche, sa sortie hors du microcosme para-droi-tier dans lequel, du fait de l'existence de la NPD, il demeurait incrusté. La faillite et la stérilité historique du "droitisme" y sont proclamées et l'accent est mis résolument sur le socialisme, la rationalité critique, l'athéisme militant et le futurisme.

Munich et Bielefeld

Après Bochum, d'autres "groupes de base" voient le jour et chacun d'eux développe une originalité pro-pre. Ainsi, à Munich, Wolfgang Strauss forme un comité pour jeunes travailleurs, lycéens et étu-diants, dont l'objectif est de donner une culture mi-litante, basée sur la littérature et la science politique. Strauss nomme son groupe "Club Symonenko", du nom d'un poète ukrainien, Wasyl Symonenko, dé-cé-dé en 1963, après avoir subi la répression so-vié-tique. Ce comité exige la libération de l'historien ukrai-nien Valentin Moro, organise des soirées avec l'écrivain polonais exilé Zygmunt Jablonski et des matinées du 17 juin, en souvenir du soulèvement ouvrier berlinois de 1953, distribue des tracts bilin-gues en faveur de l'IRA irlandaise et fonde un "cer-cle de travail" James Connolly, en hommage au syn-dicaliste militant et nationaliste irlandais, qui savait puiser ses arguments dans la mythologie celtique. Les références allemandes étaient le poète Georg Büch-ner, fondateur au XIXème siècle de la "Société des droits de l'Homme" et le poète romantique Theo-dor Körner, engagé dans le "Corps Lützow" (Cf. la musique de Weber) pour chasser l'oppres-seur bonapartiste et ses troupes de pillards hors d'Al-lemagne. Strauss réussit à la veille des années 70 à jeter les bases d'une culture politique originale, puisant dans le corpus des nationalismes populaires et libertaires slaves et celtiques et à réveiller l'en-thousiasme des jeunes allemands pour leurs poètes nationalistes, libertaires, anarchisants et radicalement anti-bourgeois du début du XIXème. Ce corpus se main-tiendra tel jusque dans les colonnes de la revue Wir Selbst,  au début des années 80 (cf. infra).

Si en Sarre et en Rhénanie-Westphalie, les "groupes de base" finissent par choisir une inféodation à la NPD  —qui ne cessa jamais d'être problématique et d'engendrer des conflits idéologiques graves—  à Bielefeld, le groupe "NJ-Stadtverband" (= Groupe urbain de la jeunesse nationaliste), proche des Berlinois de l'APM, parvient à organiser une agitation mo-derne, avec disques de chants protestataires com-posés par Singer, et à tirer un journal, Wendepunkt, à 4500 exemplaires! Du jamais vu! La tactique édi-toriale était de rassembler un maximum de textes et d'informations, émanant directement des militants, et de les aligner dans les colonnes du journal; d'au-tres "groupes de base" suivent la même stratégie, ce qui permet de former un cadre solide, grâce à une bonne division du travail et à une masse concentrée d'informations militantes. Le militantisme devenait ain-si vivant donc rentable.

Cinq types d'action

La coordination entre les groupes doit s'étendre à l'échellon national, pensait Meinrad, et éliminer la NPD droitière et désuète. Les groupes doivent comp-ter de 15 à 20 activistes locaux auto-financés grâce à des cotisations relativement élevées, et mener régulièrement cinq types d'action, explique Bartsch:

1) Les commémorations, notamment celle du 17 juin 1953 et du 13 août 1961, date à laquelle fut érigé le Mur de Berlin.

2) Les actions écologiques; le groupe Junges Forum de Hambourg y excella. Il organisa des Bürger-ini-tiativen   (= Initiatives de Citoyens) contre la construction d'une autoroute en plein milieu de la ville. Le nationalisme, dans cette perspective, c'était de protéger l'intégrité naturelle du biotope populaire.

3) Les actions sociales: elles sont essentiellement di-rigées contre la spéculation immobilière, l'augmen-tation des loyers et l'augmentation des tarifs des trans-ports en commun. Ces actions visent aussi à ex-pliquer l'irrationalité du fonctionnement de la ma-chine étatique, qui prétend être une démocratie par-faite.

4) Les actions de solidarité: elles visent à soutenir les nationalismes contestataires est-européens, car, pen-sent les activistes néo-nationalistes ouest-allemands des années 70, l'unité allemande ne pourra se réali-ser que si un bouleversement majeur s'effectue en Europe de l'Est.

5) Les actions de résistance: il s'agit surtout de cha-huts contre la visite de personnalités est-allemandes à l'Ouest dans le cadre de l'Ostpolitik  de Willy Brandt.

Vers l'unité: la NRAO ("Nationalrevolutionäre Aufbauorganisation")

L'ensemble des "groupes de base" ne forme pas un parti, structuré de façon rigide, mais un mouvement dynamique qui intègre sans cesse des informations et des faits nouveaux. Sa non-rigidité et sa diversité le mettent au dia-pason de l'actualité et empêchent tout encroûtement, tout repli sur soi et/ou sur un cor-pus figé. Le politique ne se joue pas seulement aux élec-tions, mo-ments furtifs, mais se déploie et s'insi-nue sans cesse dans la vie quo--tidienne. Mieux: il s'in-cruste dans les conscien-ces grâce à une agitation constante, laquelle implique que cha-que militant ait à cœur de se former personnellement chaque jour en lisant la presse et les livres, ceux qui con--fortent ses références culturelles essen-tiel-les et spontanées et ceux écrits par ses adver-sai-res, afin de bien con-naî-tre les clivages idéologiques qui s'articulent dans le pays.

Afin d'amplifier l'action de ces "groupes de base" bien imbriqués dans les villes et dans les universités allemandes, plusieurs figures de proue de cette mou-vance néo-nationaliste (ou nationale-révolutionnaire) décident en mars 1974 de créer une "organisation de coordination" qui prendra le nom de NRAO ou "Na-tionalrevolutionäre Aufbauorganisation" (= Organi-sa-tion de Construction nationale-révolutionnaire). Plu--sieurs réunions seront nécessaires pour mettre au point une stratégie commune. Au cours de la pre-mière, qui eut lieu les 2 et 3 mars 1974 à Würzburg, trois orateurs jetèrent les bases du renouveau: Alexan--der Epstein (alias Sven Thomas Frank), Lo-thar Penz et Hans Amhoff.

Le discours d'Epstein

Le discours tenu par Epstein révélait, entre autres cho--ses, une volonté de combattre les "ennemis de l'in-térieur", de réfuter le patriotisme ersatz  ouest-euro-péen (l'intégration-CEE vendue comme une pa-nacée par les amis d'Adenauer), de jouer, en poli-tique in-ter-nationale, la carte chinoise contre les deux super-gros. Epstein intégrait de cette façon la théorie maoïste des "trois mondes" dans le corpus doctrinal NR. En outre, il pose le mouvement NR comme le seul mouvement authentiquement national, puisque la SED est-allemande et la DKP ouest-allemande sont à la solde de l'URSS, tandis que les partis bour-geois, la SPD, la FDP et la CDU/CSU cons-ti-tuent les garants de la présence américaine, malgré l'aile gauche de la SPD, favorable à une Ostpolitik  démissionnaire. Dans ce schéma, la NPD, par son droitisme incurable, se place à la droi-te de la CSU bavaroise. Seul, le petit microcosme maoïste berli-nois, éditeur de la prestigieuse revue Befreiung,  trou-vait grâce aux yeux d'Epstein qui, du coup, se faisait l'avocat d'une coopération tacite et courtoise en-tre maoïstes et NR.

Epstein, comme Penz et Amhoff, pensait que la stra-tégie à suivre ne pouvait nullement être clan-destine ou illégale; comme seuls les NR réclamaient de façon cohérente la réunification du pays, leur pro-gram-me était conforme au mot d'ordre inscrit dans le préambule de la constitution démocratique de la RFA, mot d'ordre qui demandait aux citoyens de mo-biliser tous leurs efforts pour redonner l'unité et la liberté à l'Allemagne. Ensuite, toujours à l'occa-sion de ce rassemblement de Würzburg, Penz pré-ci-se sa vision sociale "biohumaniste" et Amhoff ex-plicite sa définition rénovée du nationalisme moder-ne de libération, anti-impérialiste dans son essence.

La création de "Sache des Volkes"

La dispersion géographique des groupes, les modes de travail différenciés que chacun d'entre eux avait acquis et quelques divergences idéologiques firent en sorte qu'aucun centralisme ne pouvait plus cha-peau-ter la diversité propre au mouvement NR. Dès le 31 août 1974, Epstein (= S.T. Frank), Waldmann et Amhoff convoquent un millier de militants NR pour leur faire part de nouveaux projets: embrayer sur la contestation écologique parce que le massacre du paysage est l'œuvre d'un capitalisme apatride et dé-raciné; ébaucher un socialisme solidaire, po-pu-lai-re, enraciné, à la mode des socialismes adoptés par les peuples opprimés du tiers-monde; construire l'au-to-gestion ou-vriè-re à la façon yougoslave, etc. Le mou-vement "Sache des Volkes" (en abrégé, SdV; = Cause du Peuple), qui est issu de ce ras-semblement, se veut partie d'un mouvement mon-dial diffus qui lutte, partout dans le monde, contre le ca-pitalisme et le so-cialisme étatisé à la soviétique.

Hartwig Singer va donner corps à ce double refus, auquel adhéraient également les militants NR fran-çais (notamment ceux du CIPRE et de "Lutte du Peu-ple" de Yannick Sauveur et les militants proven-çaux du CDPU) et les Italiens et les Belges de Jeune Europe et de ses divers avatars. Dans le discours qu'il envoie aux congressistes et qui leur sera lu, il rap-pelle l'abc qu'est le refus de Moscou comme de Wa-shington, mais explique aussi qu'il est nécessaire de tenir compte de faits nouveaux: l'ennemi principal n'est plus le capitalisme localisé, à base nationale, mais le capitalisme multinational qui a fait de l'US Army et de l'Armée Rouge ses deux instances po-licières sur l'ensemble du globe. Singer désignait dès lors un ennemi plus précis, unique: le capital mul-ti--na-tional, dont les impérialismes classiques, ins-tallés de-puis Yalta, ne sont que les instruments. La po--litique de la détente, dans cette op-tique, n'aurait pour objectif que de permettre au capitalisme occidental multinational d'ouvrir des marchés à l'est.

SdV s'est exprimée de 1978 à 1988 dans la revue Neue Zeit   qui continue de paraître à Berlin, tandis qu'une série de feuilles ont ponctué la vie militante du mouvement comme Laser  (Düsseldorf), Ideo-lo-gie und Strategie, Rebell  et Der Nationalre-vo-lu-tionär  à Vienne; cette dernière paraît toujours sous la direction d'Helmut Müller.

Solidaristische Volksbewegung (SVB)

Tandis que les éléments les plus jeunes de la mou-vance NR calquaient leur stratégie offensive sur celle des gauchistes, les militants de Hambourg, regrou-pés autour de la revue Junges Forum  et de la per-son-nalité de Lothar Penz, optaient pour un "so-li-da-risme" plus positif que le discours critique, offensif et révolutionnaire de SdV. De ce désaccord pratique, naîtra un mouvement parallèle, la "Solidaristische Volksbewegung" (= Mouvement Solidariste du Peu-ple), dont l'organe de presse sera SOL.  En 1980, la SVB devient le BDS ("Bund Deutscher Soli-da-ris-ten"; = Ligue des Solidaristes Allemands), après avoir téléguidé la GLU écologiste ("Grüne Liste Umweltschutz"; = Liste Verte pour la Protection de l'Environnement). En janvier 1981, SOL  fusionne avec Neue Zeit, qui devient ipso facto l'organe commun de SdV et du BDS.

"Wir Selbst" et NRKA

Les deux formations perdent au début des années 80 le monopole de la presse NR, à cause de l'apparition de deux nouveaux facteurs: la création par Siegfried Bu-blies de la presti-gieuse revue Wir Selbst  (Cob-lence) et l'émergence d'un nouveau réseau coor-do-nateur, le NRKA ("Na-tio-nal-revolutionärer Koordi-na-tionsausschuß"; = Com-mission de Coordination NR), appuyé par la revue Aufbruch.  Né à Düs-sel-dorf dans le sillage de la revue Laser  préalablement in-féodée à SdV, le NRKA veut d'emblée rompre avec Neue Zeit  pour aborder les questions sociales dans une perspective plus "progressiste" et pour ac-centuer encore la critique anti-capitaliste du mouve-ment NR.

Cette mutation provient du fait que les nouveaux membres de la cellule de Düsseldorf ne sont plus ex-clusivement issus de la filière néo-nationaliste clas-sique de notre après-guerre mais viennent sou-vent du marxisme-léninisme. Ces éléments nou-veaux en-tendaient rester fidèles à la "quintuple révolution" prônée par SdV, dans son manifeste de 1974. Quin-tuple révolution qui devait s'opérer aux niveaux na-tio-nal, social, écologique, démocratique et cultu-rel. La critique lancée par les militants du NRKA est le fait d'une "deuxième génération" NR, dont le mi-litantisme récent empêche de retomber dans les "er-rements" du paléo-nationalisme droitier.

De nouveaux vocables et concepts apparaissent, no-tamment celui d'une "démocratie des conseils" (Rä-tedemokratie)  autogestionnaire, celui de la "dé-con-nexion" à l'albanaise ou à la nord-coréenne, etc. Ce sont aussi de nouvelles figures qui animent les cer-cles et les revues de cette "deuxième génération": H.J. Ackermann, S. Fadinger, P. Bahn, Armin Krebs (que l'on ne confondra pas avec le Français Pierre Krebs, qui fonde en 1985 la revue Elemente, sœur jumelle d'Eléments,  la revue du GRECE).

Fin 1979, le jeune activiste nationaliste Siegfried Bu-blies fonde la revue Wir Selbst  (= Nous-mêmes; traduction allemande du gaëlique irlandais "Sinn Fein") où, très tôt, l'influence de Henning Eichberg (= Hartwig Singer) se fera sentir. Celui-ci reprend la plume pour réclamer, dans une optique de réno-va-tion révolutionnaire partagée par les Verts, la "dé-mo-cratie de base" (Basisdemokratie),  la révolution cul-turelle, l'instauration d'un ordre économique dé-cen--tralisé, un socialisme à visage humain (basé sur les thèses de l'économiste tchèque du "printemps de Prague", Ota Sik), une approche de la vie en accord avec l'écologie et l'ethnopluralisme, pierre angulaire de la vision anthropologique du néo-nationalisme al-le-mand. Bublies trouve en outre une formule qui ex-plique succinctement le sens de son combat: Für na-tionale Identität und internationale Solidarität,  c'est-à-dire pour l'identité nationale et la solidarité inter-na-tionale. Bublies cherche ainsi à préserver les iden-ti-tés de tous les peuples et à solidariser, au-delà des cli-vages idéologiques, raciaux et religieux, tous ceux qui, dans le monde, luttent pour la préservation de leur originalité.

"Wir Selbst": une tribune remarquée pour les débats politiques allemands

Mais les essais politico-philosophiques demeurent minoritaires dans la revue qui, rapidement, devient la tribune de tous ceux qui cherchent à aborder la question allemande, toujours non résolue, d'une manière neuve. Wir Selbst   ouvre ainsi ses colonnes à des personnalités n'ayant jamais appartenu à la mouvance nationaliste stricto sensu: l'urbaniste éco-logiste Konrad Buchwald, l'historien Helmut Di-wald, l'ancien haut fonctionnaire est-allemand Wolf-gang Seiffert, le producteur de télévision Wolf-gang Venohr (ancien de la VDNV), le jour-naliste Se-bas-tian Haffner (anti-hitlérien émigré à New York pen-dant la guerre et revenu au nationalisme dans les an-nées 80), l'artiste provocateur Joseph Beuys (ancien de l'AUD), le Prof. Schweißfurth (membre influent de la SPD), etc.Plus récemment, les généraux e.r. Lö-ser et Kießling (cf. Vouloir  n°30) ont abordé dans les colonnes de Wir Selbst   les problèmes de la défense du territoire et de la réorganisation des for-ces armées dans une perspective démocratique et po-puliste.

La revue de Bublies, dont la maquette et la pré-sen-ta-tion générale sont de qualité, réussit ainsi à se po-si-tion-ner com-me un forum où peuvent débattre en tou-te liberté des hommes venus d'horizons divers. L'an-née 1987 a connu un ralentissement du rythme des parutions, du fait que la revue cherche à se donner définitivement un ton, qui ne soit plus celui du militantisme activiste de SdV et qui ne soit pas une pâle copie du militantisme marxiste. Quant au NRKA, il s'est d'abord mué en NRKB ("NR-Koordinationsbüro"; = Bureau de Coordination NR), avant de se nommer plus simplement "Po-litische Offensive". Il est encore trop tôt pour tirer toutes les conclusions de cette mutation. Il est certain que les militants NR de la "deuxième génération" sont tiraillés entre, d'un côté, une fidélité à l'héritage de SdV et, de l'autre côté, une volonté de rompre tous les ponts avec le "droitisme" anti-marxiste des NR de 68. Il semble que les "nationaux-marxistes", derrière Stefan Fadinger, veulent se séparer des "NR traditionnels de la deuxième génération", re-groupés derrière Markus Bauer, éditeur d'Aufbruch, nouvelle mouture. D'autres figures, comme Peter Bahn, Karlheinz Prö-huber et Werner Olles, pré-fè-rent garder une neutra-lité dans ce débat interne et s'ex-primer dans Wir Selbst.

La mouvance NR entre les surfeurs et les militants

Vingt ans après 68, le militantisme connaît un ressac dans toute l'Europe. Guy Hocquenghem disait à Pa-ris que les "cols Mao" s'étaient recyclés au Ro-tary; Lévy et Glücksmann renient allègrement leurs enga-ge-ments antérieurs, etc. En Allemagne, la gauche mar-xisante connaît une crise réelle, tout comme les NR. Tous les mouvements hyper-politisés doivent faire face à la dépolitisation croissante et à l'hé-mor-ra-gie des militants. La contestation, la volonté de cons-truire l'alternative a fait place à la farniente des surfeurs, les barricades ont cédé le pas aux sé-duc-tions du "sea, sex and sun", du moins jusqu'au jour où la catastrophe boursière ne pourra plus être enra-yée ni freinée.

NR et marxistes soixante-huitards ont exploité un uni-vers de valeurs qui, qu'on le veuille ou non, de-meu-re immortel, même s'il enregistre aujourd'hui une inquiétante assomption. C'est pourquoi, des pa-no-ramas globaux, restituant le fil conducteur histo-rique d'une mouvance, ont une utilité: celle de pré-pa-rer le terrain pour la prochaine offensive qui, inéluctablement, surviendra.

                                                      

Quelques conclusions

Les livres de Günter Bartsch et de Margret Feit nous permettent de saisir l'évolution du néo-nationalisme allemand depuis 1945. Ils nous permettent aussi de cer-ner les grandes options philosophiques de cette mou-vance politique; citons, pêle-mêle: une théorie de la connaissance scientiste et européo-centrée (du moins dans la phase initiale qui revalorisait la scien-ce et la rationalité européennes, avec l'appoint de l'em-pirisme logique et des travaux de Rougier, Mo-nod et Heisenberg; Français et Allemands parta-geaient à ce moment les mêmes préoccupations), le biohumanisme oscillant entre l'anthropologie orga-ni-que/biologisante et le matérialisme biologique, le nomi-nalisme ethnopluraliste, le socialisme national et en-raciné (le modèle irlandais de James Connolly et les populismes slaves), le nationalisme de libération et l'idée d'un espace européen.

Une hétérogénéité que Margret Feit ne veut pas apercevoir

La dénomination "Neue Rechte" laisse sous-en-ten-dre que les mouvements allemands que Margret Feit qualifie de la sorte sont des frères jumeaux de la "Nou-velle Droite" française. Le chercheur sérieux per--cevra pourtant bien vite l'hétérogénéité de ces deux mondes, malgré les chevauchements évidents, che-vauchements que l'on pourrait tout aussi bien constater entre Dutschke et Eichberg (alias Singer) ou entre le GRECE et le CERES socialiste d'un Chevènement. La pseudo-"Neue Rechte" allemande se profile sur un arrière-plan plus militant, moins mé-tapolitique, et exploite des domaines de l'esprit différents de ceux exploités en France par de Benoist et ses amis. S'il faut chercher une influence directe et sans détours du GRECE en Allemagne, c'est chez Pierre Krebs, directeur d'Elemente,  chez Armin Moh-ler qui a révélé au public de Criticon  l'existence de la ND française ou dans les traductions éparses des textes néo-droitistes français.

Sur le plan doctrinal, les Allemands n'ont pas trop insisté sur l'égalitarisme, cheval de bataille de la ND française; seul Lothar Penz, théoricien NR du so-lida-risme biohumaniste, a inclu quelques réflexions sur les hiérarchies biologiques dans sa vision de l'homme et de la Cité. Ensuite, l'impact du paga-nisme esthétisant, hellénisant voire celtisant est très réduit en Allemagne, bien que beaucoup d'activistes NR soient adeptes de l'"unitarisme" de Sigrid Hun-ke, dont l'ouvrage La vraie religion de l'Europe  a été traduit en France par les éditions Le Labyrinthe en 1985, sous les auspices d'Alain de Benoist.

Si Bartsch avait objectivement limité son enquête à la mouvance nationale-révolutionnaire et avait bien mon--tré son souci de ne pratiquer aucun amalgame, Margret Feit, elle, mélange les genres et inclut dans son analyse de la "Neue Rechte" (terme pour le moins impropre) des organisations ou des journaux appartenant à la droite nationale classique, comme Mut,  la revue de Bernhard Wintzek, ou le mensuel Nation Europa  de Peter Dehoust. Elle pousse l'a-malgame encore plus loin en incluant, dans ce qu'el-le estime être un complot, la revue conservatri-ce Cri-ticon  de Caspar von Schrenck-Notzing, pro-che, par cer-tains aspects, de la CSU bavaroise. La lec-ture de ces diverses revues révèle que les thèmes choisis et les options philosophiques prises par cha-cune d'en-tre elles sont différents, malgré des re-coupe-ments, dus, bien évidemment, à l'actualité lit-té-raire, philo-so-phique et politique. Chaque revue pos-sède son ori-ginalité et ne tient pas à la perdre.

L'aventure brève de l'ANR

La confusion entretenue par Margret Feit entre la mou-vance NR et les droites nationales classiques pro-vient de l'observation partiale d'un phénomène datant de 1972. En janvier de cette année, une dis-si-dence survient au sein de la NPD bavaroise, sous l'impulsion d'un certain Dr. Pöhlmann. Celui-ci demande quelques conseils à Singer tout en n'avalisant pas son anti-américanisme. De cette dissidence nait un groupement activiste, l'ANR ("Aktion Neue Rech-te"; = Action pour une Nouvelle Droite), qui rassemble les jeunes mécontents de la NPD, repro-chant à leur parti d'être socialement et politiquement trop conservateur. L'aventure durera jusqu'en no-vem-bre 1973 quand l'ANR se fractionne en plu-sieurs groupes:

1) les nationaux-conservateurs, qui formeront l'AJR ("Aktion Junge Rechte"; = Action pour une Jeune Droite);

2) les "hitléromaniaques" (d'où sont issus, en par-tie, les farfelus friands en déguisements bruns et noirs, avec cuirs et clous, que l'on entend parfois beugler des slogans, notamment à Dixmude et dans les bistrots louches des grandes villes, et qui, dans certains cas, se sont recyclés dans une homosexua-lité ridicule où les corps "aryens" et juvéniles sont érigés en objets de culte);

3) ceux qui retournent au bercail qu'est, pour eux, la NPD;

4) ceux qui évoluent vers l'idéologie NR.

Ce fait divers que fut l'ANR et la présence en son sein de quelques idiots compromettants, perpétuelle-ment ivres et rapidement éconduits, permet à des mo-ralisateurs en chambre de conclure au "nazisme" de toute une école de pensée qui véhicule, fina-le-ment, une idéologie de synthèse, exerçant une réelle séduction sur les esprits libres de la gauche militan-te. Le vocable "Neue Rechte" est ainsi erronément appliqué à la sphère NR. La tactique de Margret Feit est grossière: c'est celle de la pars pro toto. La frange de l'ANR qui évolue vers le nationalisme révo-lutionnaire finit par donner son nom à tous les mou-ve-ments nationalistes, même ceux de gauche, qui lui ont été contemporains. L'objectif de cet amalgame est évident: associer les braillards bottés (média-ti-sa-bles) aux intel-lectuels modernistes, de façon à ce que ceux-ci ne puissent plus influencer les esprits libres et larges de la gauche dutschkiste et para-dutsch-kiste ou, en France, souder en un bloc idéologique instru-mentalisable les analyses du GRECE et du CERES.

On perçoit évidemment, à la lumière de ces faits, quel-le erreur tactique ont commis certains respon-sa-bles du GRECE en acceptant et en revendiquant l'étiquette "Nouvelle Droite" que leur ont accolée les journalistes provocateurs de la bourgeoisie gau-chi-sante parisienne. L'opération de diversion de Mar-gret Feit s'en est trouvée ultérieurement confortée: la pseudo-"Neue Rechte" est amalgamée sans nuance à la "Nouvelle Droite" alors qu'il s'agit de mouve-ments assez distincts.

Impacts en Flandre et en Wallonie

En Flandre, la tentative de syn--thèse qu'ont essayée Pol Van Caeneghem et Chris--tian Dutoit, notamment avec le groupe "Ar-beid" et les revues Meervoud  et De Wesp,  a malheureusement viré au gauchisme stérile, de même que les brillantissimes synthèses de Mark Cels-Decorte et Freddy Seghers (un moment proche de Wir Selbst)  au sein de la Volksunie et des VUJOs (Cf. les volumes de propagande intitulés In-tegraal Federalisme  -1976- et Integraal Federalisme 2  -1980). Tandis qu'en Wallonie, "Jeune Europe" —dont le leader Jean Thiriart avait esquissé d'ex-cel-lents projets d'alliances géopolitiques avec les Etats non alignés du Tiers-Monde, avec la Chine et avec les militants noirs américains—  restait prisonnière d'une pensée politique latine rigide et impropre à sus-citer un dynamisme rénovateur, son syndicat em-bryonnaire et rapidement dissident, l'USCE ("U-nion des Syndicats Com--munautaires Européens"), sous la direction de Jean Van den Broeck, Claude Lenoir et Pierre Ver-has, opte pour une organisation régionaliste de notre continent et se distancie offi-ciel-lement dès 1969 de "tout ce qui est de droite".

L'USCE publiera d'abord Syndicats Européens  et, en-suite, L'Europe Combat, qui paraîtra jusqu'en 1978. Cette expérience fut la seule tentative NR sérieuse en Wallonie après l'é-chec de "Jeune Europe", quand Thiriart n'a pas su in---culquer son anti-améri-canisme à son public droi-tier, lequel s'est empressé de le trahir. Aujourd'hui, une synthèse sympathique voit le jour à gauche, à proximité de l'idéologie éco-logiste, dans les colon-nes de la revue W'allons-nous.

De  "Jeune Europe" au néant

Avatar de "Jeune Europe" qui a évolué vers un phi-losoviétisme non instrumentalisable, le PCN du Carolorégien Luc Michel, issu, pour son malheur, des grou-puscules extrê-me-droitistes et néo-nazillonneurs les plus rocamboles-ques, ne parvient pas à décoller po-litiquement (et pour cause!) et son entreprise édi-to-riale, très instruc-tive pour les spécialistes et les his-toriens (Cf. Vou-loir  n°32-33-34), stagne parce qu'elle ne traite pas de problèmes qui intéressent di-rec-tement un public mi-litant. La revue Conscience Eu-ro-péenne,  qui a récemment consacré de bons numéros sur la guerre économique entre les USA et l'Eu-rope et sur l'illusion de la détente, a subi une dissidence en 1984 qui a donné le jour à Volonté Européenne  et au "Cercle Copernic", dirigé par Ro-land Pirard, un individu quelque peu bizarre qui chan-ge de pseudonyme à tour de bras (Bertrand Tho-mé, Roland Van Hertendaele, Roland Brabant, etc.) et rêve naïvement de fonder un "ordre de chevalerie" néo-teutonique! Si Luc Michel effectue un tra-vail documentaire utile et fournit des analyses très intéressantes, malgré la langue de bois, la dissidence Pirard sombre dans un burlesque complet, renforcé par une rédaction épouvantablement négligée et par des analyses d'une confondante médiocrité, où sur-gissent de temps à autre des prurits hitléroma-nia-ques, mâtinés d'un néo-stalinisme et d'un pro-kho-meinysme d'une lourdeur telle qu'en comparaison, la langue de bois soviétique s'avère superlyrique. Au-cun es-poir donc que le dynamisme de "Jeune Eu-ro-pe" et de son héritier français, le CIPRE de Yannick Sauveur et d'Henri Castelferrus, ne renaisse à Bruxelles ou en Wallonie.    

En conclusion, nous pourrions dire que la mou-vance NR allemande a constitué une synthèse qui s'est si-tuée à la charnière du gauchisme et du natio-nalisme et qu'elle recèle bien des potentialités pour les mili-tants sincères, ceux qui ont vraiment le souci de la Ci-té. Qui plus est, quand on observe la synthèse opé--rée par Cels-Decorte et Seghers au sein de la Volk-s-unie entre 1975 et 1981, on voit qu'une syn-thèse comparable est davantage possible dans nos pays, en de-hors de toute marginalité. Il faut y réflé-chir.

René LAUWERS.

Margret FEIT, Die "Neue Rechte" in der Bundes-republik. Organisation - Ideologie - Strategie, Campus, Frankfurt a.M., 1987, 242 S., DM 36.

Bibliographie complémentaire:

Günter Bartsch, Revolution von rechts? Ideologie und Organisation der Neuen Rechten, Herder-bücherei, Freiburg i.B., 1975, 287 S., DM 7,90.

Karl-Heinz Pröhuber, Die nationalirevolutionäre Be-wegung in Westdeutschland,  Verlag deutsch-euro-päischer Studien, Hamburg, 1980, 228 S., DM 22.

Nous livrerons à nos lecteurs tout autre ren-seigne-ment d'ordre bibliographique.

 

vendredi, 20 février 2009

Introduction to the Portuguese National-Syndicalist Movement

Flavio Goncalves

Introduction to the Portuguese National-Syndicalist Movement

Lecture delivered at the VI Young Eurasian Intellectuals Congress in the Moscow State University, 27th of November, 2008, Russia - http://evrazia.info/

Rolao Preto When we mention National-Syndicalism people always remember the Spanish version and ignore the Portuguese version of the phenomenon, pushed by Rolao Preto and many other Portuguese activists.

National-Syndicalism was hated by both the New State dictatorship in Portugal and by the Communist opposition; the Communists like to forget that they were not the only political movement prosecuted by the government.

I will not give you the History of this movement, but solely it’s political leanings that caused it’s members to be considered as “Fascists” by the Left and as “Communists” by the Right.

It was a workers oriented movement that also had many intellectuals, they wore blue jean shirts because those were the shirts the Portuguese proletariat used at the time.

They defended the implementation of a family wage to the housewife’s, considering that taking care of one’s home and family was a very hard and important work that should be paid as such.

They had workers unions that included both farmers and factory workers along with white collar and blue collar workers, they were not Right-wingers nor Left-wingers given that they believed that those labels were just another way of dividing the Nation’s population.

They preached that wealth should only be produced by work, not by speculation and usury as it was then, and still is now: only hard work should be rewarded with the creation of wealth.

All families should have the right to a house, without mortgage, that is: you and your family should have a house without having to pay for it to the banks for the rest of your life to own it!!

Local power should be very strong as opposed to central power that corrupts, as all powers do.

They also opposed the accumulation of political, private and governmental positions, something still very fashionable in today’s Portugal, where politicians also work for private companies and even state owned companies gathering several wages instead of solely one.

They were also the first ones preaching anti-colonialism, Portugal should create something off the likes of the British Commonwealth instead of keeping it’s imperial rule, they were very much ahead of their time.

For preaching a creed that was beyond Capitalism, Liberalism and Communism they were forced into exile, prosecuted and sent to jail by the far-Right government and attacked on the streets by the far-Left and the Communists that hated their popularity among the working classes.

They were even referred to as “National-Communists” for defending a strong sense of national community at the same time that they supported class war (of the oppressed against the oppressors) and workers emancipation.

There is much to discover still about this movement given that the New State dictatorship did it’s best to erase it from memory and after the Portuguese revolution the Democrats did the exact same thing, we have still much to research about this movement that gathered under a single banner thousands willing to fight both a far-Right government and a far-Left empty opposition.

mardi, 03 février 2009

Jean Thiriart: prophète et militant

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1993

Jean THIRIART: Prophète et militant

 


Dott. Carlo TARRACCIANO


«J'écris pour une espèce d'hommes qui n'existe pas encore, pour les Seigneurs de la Terre...»

(F. Nietzsche, La Volonté de puissance).


La disparition soudaine de Jean Thiriart a été pour nous comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, pour nous, militants européens qui, au cours de plusieurs décennies successives, ont appris à apprécier ce penseur de l'action, surtout depuis son retour à la politique active, après bon nombre d'années d'«exil intérieur» où il a médité et reformulé ses positions antérieures.


A plus forte raison, sa mort nous a surpris, nous, ses amis italiens qui l'avions connu personnellement lors de son voyage à Moscou en août 1992, où nous formions de concert une délégation ouest-européenne auprès des personnalités les plus représentatives du Front du Salut National. Ce front, grâce aux travaux de l'infatigable Alexandre DOUGUINE, animateur mystique et géopolitique de la revue Dyenn (Le Jour), a appris à connaître et à estimer bon nombre d'aspects de la pensée de Thiriart et les a diffusés dans les pays de l'ex-URSS et en Europe orientale.


Personnellement, j'ai l'intention, dans les lignes qui suivent, d'honorer la mémoire de Jean Thiriart en soulignant l'importance que sa pensée a eue et a toujours dans notre pays, l'Italie, dès les années 60 et 70 et dans le domaine de la géopolitique. En Italie, sa réputation repose essentiellement sur son livre, le seul qui ait véritablement donné une cohérence organique à sa pensée dans le domaine de la politique internationale: Un Empire de 400 millions d'hommes, l'Europe, édité par Giovanni Volpe en 1965, il y a près de trente ans.


Trois années seulement venaient de se passer depuis la fin de l'expérience française en Algérie. Cet événement dramatique fut la dernière grande mobilisation politique de la droite nationaliste, non seulement en terre de France, mais dans d'autres pays d'Europe, y compris en Italie. Les raisons profondes de la tragédie algérienne n'ont pas été comprises par les militants anti-gaullistes qui luttaient pour l'Algérie française. Ils n'ont pas compris quels étaient les enjeux géopolitiques de l'affaire et que les puissances victorieuses de la seconde guerre mondiale entendaient redistribuer les cartes à leur avantage, surtout les Etats-Unis.


Combien de ces militants de l'Algérie française ont-ils compris, à cette époque-là, quel était l'ENNEMI PRINCIPAL de la France et de l'Europe? Combien de ces hommes ont-ils compris intuitivement que, sur le plan historique, la perte de l'Algérie, précédée de la perte de l'Indochine, tout comme l'effondrement de tout le système vétéro-colonial européen, étaient des conséquences directes de la défaite militaire européenne de 1945? Ce fut en effet non seulement une défaite de l'Allemagne et de l'Italie, mais aussi de l'EUROPE ENTIERE, Grande-Bretagne et France comprises. Pas une seule colonie de l'ancien système colonial qui ne soit devenue à son tour sujette d'une forme nouvelle, plus moderne et plus subtile, d'impérialisme néo-colonialiste.


En méditant les événements de Suez (1956) et d'Algérie, les «nationaux-révolutionnaires», comme ils s'appelaient eux-mêmes, finirent par formuler diverses considérations et analyses sur les conséquences de ces deux affaires tragiques, considérations et analyses qui les différenciaient toujours davantage des «droites classiques» de notre après-guerre, animées par un anti-communisme viscéral et par le slogan de la défense de l'Occident, blanc et chrétien, contre l'assaut conjugué du communisme soviétique et des mouvements de libération nationaux des peuples de couleur du tiers monde. En un certain sens, le choc culturel et politique de l'Algérie peut être comparée à ce que fut, pour la gauche, l'ensemble des événements d'Indochine, avant et après 1975.


La vieille vision de la politique internationale était parfaitement intégrée à la stratégie mondiale, économique et géopolitique de la thalassocratie américaine qui, avec la guerre froide, avait réussi à recycler les diverses droites européennes, les fascistes comme les post-fascistes (ou du moins prétendues telles), en fonction de son projet géostratégique de domination mondiale. Le tout pour en arriver aujourd'hui au «Nouvel Ordre mondial», déjà partiellement avorté et qui semble être la caricature inversée et satanique de l'«Ordre Nouveau» eurocentré de mouture hitlérienne.


La Nouvelle Droite française, pour ne donner qu'un exemple, a commencé son cheminement au moment des événements d'Algérie pour entamer une longue marche de révision politique et idéologique, qui a abouti au voyage récent d'Alain de Benoist à Moscou, étape obligatoire pour tous les opposants révolutionnaires d'Europe au système mondialiste. La démarche a donc été faite par de Benoist, en dépit de ses rechutes et de ses reniements ultérieurs, appuyés par quelques-uns de ses plus minables affidés, lesquels n'ont évidemment pas encore compris pleinement la portée réelle de ces rencontres entre Européens de l'Ouest et Russes au niveau planétaire et préfèrent se perdre dans de stériles querelles de basse-cour, qui n'ont d'autres motivations que personnelles, relèvent de petites haines et de petits hargnes idiosyncratiques. Dans ce domaine comme tant d'autres, Thiriart avait déjà donné l'exemple, en opposant aux différences naturelles existant entre les hommes et les écoles de pensée l'intérêt suprême de la lutte contre l'impérialisme américain et le sionisme.


Pour revenir à l'Italie, nous devons nous rappeler la situation qui régnait en cette lointaine année 1965, quand a paru l'œuvre de Thiriart: les forces national-révolutionnaires, encore intégrées au Mouvement Social Italien (MSI), étaient alors victimes d'un PROVINCIALISME vétéro-fasciste, provincialisme cyniquement utilisé par les hiérarques politiques du MSI, complètement asservis à la stratégie des Etats-Unis et de l'OTAN (une ligne politique qui sera par la suite suivie avec fidélité, même au cours de la brève parenthèse de la gestion «rautiste», soi-disant inspirée des thèses national-révolutionnaires de Pino Rauti, gestion qui a appuyé l'intervention des troupes italiennes en Irak, aux côtés de l'US Army).


Les chefs de cette droite collaborationniste utilisaient les groupes révolutionnaires de la base, composés essentiellement de très jeunes gens, pour créer des assises militantes destinées, en ultime instance, à ramasser les voix nécessaires à envoyer au parlement des députés «entristes», devant servir d'appui aux gouvernements réactionnaires de centre-droit. Et tout cela, bien sûr, non dans l'intérêt de l'Italie ou de l'Europe, mais seulement dans celui de la puissance occupante, les Etats-Unis. Et une fois de plus, nous avons affaire à un petit nationalisme centralisateur et chauvin, utilisé au profit d'intérêts étrangers et cosmopolites!


C'était aussi le temps où l'extrême-droite était encore capable de mobiliser sur les places d'Italie des milliers de jeunes qui réclamaient que Trente et Trieste soient et restent italiennes, ou pour commémorer chaque année les événements de Hongrie de 1956! Mai 68 était encore loin, semblait s'annoncer à des années-lumière de distance! La droite italienne, dans ses prospections, ne voyait pas que cette «révolution» s'annonçait. Dans un tel contexte humain et politique, vétéro-nationaliste, provincial et, en pratique, philo-américain (qui débouchera ensuite dans la farce pseudo-golpiste de 1970, qui aura pour conséquence, au cours de toute la décennie, les tristement célèbres «années de plomb», avec leur cortège de crimes d'Etat), l'œuvre de Jean Thiriart fit pour un grand nombre de nationalistes l'effet d'une bombe; un choc électrique salutaire qui mit l'extrémisme nationaliste botté face à des problématiques qui, certes, n'étaient pas neuves, mais avaient été oubliées ou étaient tombées en désuétude. Aujourd'hui, nous ne pouvons donc pas ne pas tenir compte des effets politiques pratiques qui découlèrent de la pensée de Thiriart, même si ces effets, dans un premier temps, ont été fort modestes. Disons qu'à partir de la publication du livre de Thiriart, la thématique européenne est devenue petit à petit le patrimoine idéal de toute une sphère qui, dans les années suivantes, développera les thématiques anti-mondialistes actuelles.


Sans exégération, nous pouvons affirmer que c'est vers cette époque que se sont développés les thèmes de l'Europe-Nation, d'une lutte anti-impérialiste qui ne soit pas de «gauche», de l'alliance géostratégique avec les révolutionnaires du tiers monde. L'adoption de ce thème est d'autant plus étonnante et significative quand on sait que l'aventure de Jeune Europe a commencé par une lutte contre le FLN algérien. Thiriart avait, sur ce plan, changé complètement de camp, sans pour autant changer substantiellement de vision du monde, lui qui, quelques décennies auparavant, avait quitté les rangs de l'extrême-gauche belge pour adhérer à la collaboration avec le III° Reich germanique, sans pour autant perdre de vue le facteur URSS. Ces acrobaties politico-idéologiques lui ont valu les accusations d'«agent double», toujours aux ordres de Moscou!


En Italie, la section italienne de Jeune Europe (Giovane Europa) est rapidement mise sur pied. Malgré l'origine politique de la plupart des militants, Giovane Europa n'avait aucune filiation directe avec Giovane Italia, l'organisation étudiante du MSI (copiée à son tour de la Giovine Italia de Mazzini au 19° siècle); au contraire, Giovane Europa en était pratiquement l'antithèse, l'alternative contraire. Si bien qu'une fois l'expérience militante de «Giovane Europa» terminée, la plupart de ses militants se sont retrouvés dans le Movimento Politico Ordine Nuovo (MPON), opposé à la ligne politique prônant l'insertion parlementaire, comme le voulaient les partisans de Pino Rauti, retournés dans les rangs du MSI d'Almirante.


Si l'on tient compte du rôle UNIQUE qu'a joué la pensée de Julius Evola sur les plans culturel et idéologique en Italie, on ne doit pas oublier non plus que Jean Thiriart a impulsé, pour sa part, une tentative unique de rénovation des forces nationales dans ces années-là et dans les années qui allaient venir. Même un Giorgio Freda a reconnu lui-même ses dettes, sur le plan des idées, envers le penseur et le militant belge.


Autre aspect particulier et très important du livre Un Empire de 400 millions d'hommes, l'Europe, c'est d'avoir anticipé, de plusieurs décennies, une thématique fondamentale, revenue récemment dans le débat, notamment en Russie, grâce aux initiatives d'Alexandre Douguine et de la revue Dyenn, et en Italie, grâce aux revues ORION et AURORA: la GEOPOLITIQUE.


La première phrase du livre de Thiriart, dans la version italienne, est dédiée justement à cette science essentielle qui a pour objets les peuples et leurs gouvernements, science qui avait dû subir, dans notre après-guerre, un très long ostracisme, sous prétexte d'avoir été l'instrument de l'expansion nazie! Accusation pour le moins incongrue quand on sait qu'à Yalta les vainqueurs se sont partagés les dépouilles de l'Europe et du reste du monde sur base de considérations proprement géopolitiques et géostratégiques. Thiriart en était parfaitement conscient, en écrivant son premier chapitre, significativement intitulé «De Brest à Bucarest. Effaçons Yalta»: «Dans le contexte de la géo-politique et d'une civilisation commune, ainsi qu'il sera démontré plus loin, l'Europe unitaire et communautaire s'étend de Brest à Bucarest». En écrivant cette phrase, Thiriart posait des limites géographiques et idéales à son Europe, mais bientôt, ils dépassera ces limites, pour arriver à une conception unitaire du grand espace géopolitique qu'est l'EURASIE.


Une fois de plus, Thiriart a démontré qu'il était un anticipateur lucide de thèmes politiques qui ne mûrissent que très lentement chez ses lecteurs, du moins certains d'entre eux...


Mais il n'y a pas que cela!


Conjointement au grand idéal de l'Europe-Nation et à la redécouverte de la géopolitique, le lecteur est obligé de jeter un regard neuf sur les grands espaces de la planète. Ce fut un autre mérite de Thiriart d'avoir dépasser le traumatisme européen de l'ère de la décolonisation et d'avoir recherché, pour le nationalisme européen, une alliance stratégique mondiale avec les gouvernements du tiers monde, non asservis aux impérialismes, en particulier dans la zone arabe et islamique, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Il est vrai que ceux qui découvrent la géopolitique, ne peuvent plus faire autrement que de voir les événements du monde sous une lumière nouvelle, prospective.


Et c'est dans un tel contexte, par exemple, qu'il faut comprendre les nombreux voyages de Thiriart en Egypte, en Roumanie, etc., de même que ses rencontres avec Chou en Lai et Ceaucescu ou avec les leaders palestiniens. Partout où il était possible de le faire, Thiriart cherchait à tisser un réseau d'informations et d'alliances planétaires dans une perspective anti-impérialiste. Par ailleurs, notons tout de même que la révolution cubaine, avec son originalité, exerçait de son côté sa propre influence.


Avec son style synthétique, presque télégraphique, Thiriart lui-même avait tracé dans ses textes les lignes essentielles de la politique extérieure de la future Europe unie:

«Les lignes directives de l'Europe unitaire:

avec l'Afrique: symbiose

avec l'Amérique latine: alliance

avec le monde arabe: amitié

avec les Etats-Unis: rapports basés sur l'égalité».


Mise à part l'utopie qu'était son espoir en des rapports égaux avec les Etats-Unis, on notera que sa vision géopolitique était parfaitement claire: il voulait de grands blocs continentaux et était très éloigné de toute vision étriquée d'une petite Europe «occidentale et atlantique» qui, comme celle d'aujourd'hui, n'est plus que l'appendice oriental de la thalassocratie yankee, ayant pour barycentre l'Océan Atlantique, réduit à la fonction de «lac intérieur» des Etats-Unis.


Bien sûr, aujourd'hui, après l'aventure politique de Thiriart, certaines de ces options géopolitiques, dans le milieu «national», pourraient sembler évidentes, voire banales, pour les uns, simplistes et intégrables pour d'autres. Mais mis à part le fait que tout cela n'est guère clair pour l'ensemble des «nationaux» (il suffit de penser à certaines résurgences racistes/biologistes et anti-islamiques d'un pseudo-néo-nazisme, utilisées et instrumentalisées par la propagande américaine et sioniste dans un but anti-européen), nous ne nous lasserons pas de répéter qu'il y a trente ans, cette option purement géopolitique de Thiriart, vierge de toutes connotations racistes, était très originale et courageuse, dans un monde bipolaire, opposant en apparence deux blocs idéologiques et militaires antagonistes, dans une perspective de conflictualité «horizontale» entre Est et Ouest et sous la menace de l'anéantissement nucléaire réciproque, surtout pour les «alliés» des deux puissances majeures en Europe.


Nous pouvons affirmer aujourd'hui que si bon nombre d'entre nous, en Italie, en sont arrivés progressivement à dépasser cette fausse vision dichotomique de la conflictualité planétaire, et cela bien avant l'effondrement de l'URSS et du bloc soviétique, c'est dû en bonne partie à la fascination qu'ont exercée les thèses que propageait Thiriart à l'époque, à ses intuitions géniales.


Effectivement, on peut parler de «génialité», en politique comme dans tous les autres domaines du savoir humain, quand on PRE-VOIT et que l'on EX-POSE (du latin exponere, poser en dehors, mettre en exergue ou en évidence) des faits ou des événements qui sont encore occultés, méconnus, peu clairs pour les autres et qui ne se dégagent de leur phase occulte que graduellement pour n'advenir au monde en pleine lumière que dans un futur plus ou moins lointain.


Sur ce chapitre, nous voulons simplement rappeler les assertions de Thiriart relatives à la dimension géopolitique du futur Etat européen, consignées dans le chapitre (10, §1) intitulé «Les dimensions de l'Etat européen. L'Europe de Brest à Vladivostock» (pp. 28 à 31 de l'éd. franç.): «L'Europe jouit d'une grande maturité historique, elle connaît désormais la vanité des croisades et des guerres de conquêtes vers l'Est. Après Charles XII, Bonaparte et Hitler, nous avons pu mesurer les risques de pareilles entreprises et leur prix. Si l'URSS veut conserver la Sibérie, elle doit faire la paix avec l'Europe — avec l'Europe de Brest à Bucarest, je le répète. L'URSS n'a pas et aura de moins en moins la force de conserver à la fois Varsovie et Budapest d'une part, Tchita et Khabarovsk d'autre part. Elle devra choisir ou risquer de tout perdre» (les caractères italiques sont dans le texte).


Plus loin: «Notre politique diffère de celle du général De Gaulle parce qu'il a commis ou commet trois erreurs:

- faire passer la frontière de l'Europe à Marseille et non à Alger;

- faire passer la frontière du bloc URSS/Europe sur l'Oural et non en Sibérie;

- enfin, vouloir traiter avec Moscou avant la libération de Bucarest» (p. 31).


A la lecture de ces deux brefs extraits, on ne peut plus dire que Jean Thiriart manquait de perspicacité et de prévoyance! Or ces phrases ont été écrites, répétons-le, à une époque où les militants sincèrement européistes, même les plus audacieux, parvenaient tout juste à concevoir une unité européenne de Brest à Bucarest, c'est-à-dire une Europe limitée à la plate-forme péninsulaire occidentale de l'Eurasie; pour Thiriart, elle ne représentait déjà plus qu'une étape, un tremplin de lancement, pour un projet plus vaste, celui de l'unité impériale continentale. Qu'on ne nous parle plus, dès lors, des droites nationalistes, y compris celles d'aujourd'hui, qui ne font que répéter à l'infini leur provincialisme, sous l'oeil bienveillant de leur patron américain.


Il y a trente ans déjà, Thiriart allait plus loin: il dénonçait toute l'absurdité géopolitique du projet gaulliste (De Gaulle étant un autre responsable direct de la défaite de l'Europe, au nom du chauvinisme vétéro-nationaliste de l'Hexagone) d'une Europe s'étendant de l'Atlantique à l'Oural, faisant sienne, du même coup, cette vision continentale absurde, propre aux petits professeurs de géographie, qui trace sur le papier des cartes une frontière imaginaire à hauteur des Monts Ourals, qui n'ont jamais arrêté personne, ni les Huns ni les Mongols ni les Russes.


L'Europe se défend sur les fleuves Amour et Oussouri; l'Eurasie, c'est-à-dire l'Europe plus la Russie, a un destin clairement dessiné par l'histoire et la géopolitique en Orient, en Sibérie, dans le Far East de la culture européenne, et ce destin l'oppose au West de la civilisation américaine du Bible and Business. Quant à l'histoire des rencontres et des confrontations entre les peuples, ce n'est rien d'autre que de la GEOPOLITIQUE EN ACTE, tout comme la géopolitique n'est rien d'autre que le destin historique des peuples, des nations, des ethnies et des empires, voire des religions, en PUISSANCE. En passant, nous devons ajouter que la conception de Jean Thiriart, pour autant qu'elle ait été encore liée aux modèles «nationalistes» influencés par la France révolutionnaire, était finalement plus «impériale» qu'impérialiste. Il a toujours refusé, jusqu'à la fin, l'hégémonie définitive d'un peuple sur tous les autres.


L'Eurasie de demain ne sera pas plus russe qu'elle ne sera mongole, turque, française ou germanique: car quand tous ces peuples ont voulu exercer seuls leur hégémonie, ils ont échoué. Echecs qui devraient nous avoir servi d'enseignement.


Qui pouvait, il y a trente ans, prévoir avec autant de précision la faiblesse intrinsèque de ce colosse militaro-industriel qu'était l'URSS, qui semblait à l'époque lancée à la conquête de toujours plus de nouveaux espaces, sur tous les continents, en âpre compétition avec les Etats-Unis qu'elle allait bientôt dépasser?


Avec le temps, finalement, tout cela s'est révélé un gigantesque bluff, un mirage historique probablement fabriqué de toutes pièces par les forces mondialistes de l'Occident pour maintenir les peuples dans la servitude, avec, à la clef, un chantage constant à la terreur. Tout cela pour manipuler les peuples et les nations de la Terre au bénéfice de l'intérêt stratégique suprême, unique, posé comme seul «vrai»: celui de la superpuissance planétaire que sont les Etats-Unis, base territoriale armée du projet mondialiste. En fin de compte, pour parler le langage de la géopolitique, c'est la «politique de l'anaconda» qui a prévalu, comme la définissait hier, avec les mêmes mots, le géopoliticien allemand Haushofer, et la définissent aujourd'hui les géopoliticiens russes, à la tête desquels officie le Colonel Morozov; les Américains et les mondialistes cherchent toujours à éloigner le pivot territorial de l'Eurasie de ses débouchés potentiels sur les mers chaudes, avant de grignoter petit à petit le territoire de la «tellurocratie» soviétique. Le point de départ de cette stratégie de grignotement: l'Afghanistan.


Jean Thiriart avait déjà mis en lumière, dans son livre de 1965, les raisons brutes et crues qui animaient la politique internationale. Ce n'est pas un hasard, d'ailleurs, que l'un de ses modèles était Machiavel, auteur du Prince.


Certes, nous diront les pessimistes, si le Thiriart analyste de la politique a su anticiper et prévoir, le Thiriart militant, organisateur et chef politique du premier modèle d'organisation transnationale européiste, a failli. Soit parce que la situation internationale d'alors n'était pas encore suffisamment mûre (ou pourrie), comme nous le constatons aujourd'hui, soit parce qu'il n'y a pas eu de «sanctuaire» de départ, comme Thiriart l'avait jugé indispensable. En effet, il a manqué à Jeune Europe un territoire libre, un Etat complètement étranger aux conditionnements imposés par les superpuissances, qui aurait pu servir de base, de refuge, de source d'approvisionnement pour les militants européens du futur. Un peu comme le fut le Piémont pour l'Italie.


Toutes les rencontres de Thiriart au niveau international visaient cet objectif. Toutes ont échoué. Réaliste, Thiriart a renoncé à l'engagement politique, au lieu de reprendre son discours et d'attendre que l'occasion se représente, et même une meilleure occasion, celle d'avoir un grand pays auquel il aurait pu proposer sa stratégie: la Russie. Le destin de ce citoyen belge de naissance mais Européen de vocation a été étrange: il a toujours été «hors du temps», surpris par les événements. Il les a toujours prévus mais a toujours été dépassé par eux.


Sa conception de la géopolitique eurasienne, sa vision qui désigne GLOBALEMENT les Etats-Unis comme l'ennemi OBJECTIF absolu, pourraient être perçues comme les indices d'un «visionarisme» illuminé, freiné seulement par un esprit rationnel cartésien, et rationalisé en ultime instance.


Son matérialisme historique et biologique, son nationalisme européen centralisateur et totalisant, sa fermeture à l'endroit de thématiques écologiques et animalistes, ses positions personnelles face aux spécificités ethno-culturelles, son hostilité de principe à tout pathos religieux, son ignorance de toute dimension métapolitique, son admiration pour le jacobinisme de la Révolution française, pierre d'achoppement pour bon nombre d'anti-mondialistes francophones: tout cela constituait des limites à sa pensée et des résidus de conceptions vétéro-matérialistes, progressistes et darwiniennes, de plus en plus éloignées des choix culturels, religieux et politiques contemporains, chez les hommes et les peuples engagés, dans toute l'Eurasie et dans le monde entier, dans la lutte contre le mondialisme. Les idées «rationalistes», que Thiriart faisait siennes, au contraire, ont été l'humus culturel et politique sur lequel le mondialisme a germé au cours des siècles passés. Ces aspects de la pensée de Thiriart ont révélé leurs limites, pendant les derniers mois de son existence, notamment lors des colloques et conversations de Moscou en août 1992. Son développement intellectuel semblait s'être définitivement arrêté à l'époque de l'historicisme linéaire et progressiste, avec sa mythologie d'un «avenir radieux pour l'humanité».


Une telle vision rationaliste ne lui permettait pas de comprendre des phénomènes aussi importants que le réveil islamique ou le nouveau «mysticisme» eurasiste russe, ainsi que leur projections politiques d'une teneur hautement révolutionnaire et anti-mondialiste. Et ne parlons même pas de l'impact des visions traditionalistes d'un Evola ou d'un Guénon. Thiriart véhiculait donc cet handicap «culturel», ce qui ne nous a pas empêché de nous retrouver à Moscou en août 1992, où nous avons cueilli au vol ses innombrables intuitions politiques.


Quelques-unes de ces intuitions ont fait qu'il s'est retrouvé aux côtés de jeunes militants européens pour aller rencontrer les protagonistes de l'avant-garde «eurasiste» du Front du Salut National russe, rassemblés autour de la revue Dyenn et du mouvement du même nom. Nous avons découvert, ainsi, dans la capitale de l'ex-empire soviétique qu'il avait été parfaitement reconnu comme un penseur d'avant-garde par les Russes. Les enseignements géopolitiques de Thiriart ont germé en Russie, c'est indubitable, alors qu'en Occident ils ont toujours été méconnus voire méprisés. Thiriart a eu un impact lointain, dans les immensités glacées de la Russie-Sibérie, dans le cœur du Vieux Monde, près du pivot central de la tellurocratie eurasiatique.


Est-ce une ironie de l'histoire des doctrines politiques, qui surgit au moment de leur actualisation pratique ou est-ce la ennième confirmation de cet adage antique, «nul n'est prophète en son pays»? Le long «exil intérieur» de Thiriart semblait donc terminé, il s'était retiré de la politique active pour toujours et avait surmonté ce retrait qui, au départ, avait été une grosse déception. Il nous inondait de documents écrits, de comptes rendus d'interventions orales. Le flot ne semblait jamais devoir s'arrêter! Comme s'il cherchait à rattraper le temps qu'il avait perdu dans un silence dédaigneux.


Mu par un enthousiasme juvénile, parfois excessif et agaçant, Thiriart se remettait à donner des leçons d'histoire et de géopolitique, de sciences exactes et de politologie, de droit et toutes autres disciplines imaginables, aux généraux et aux journalistes, aux parlementaires et aux écrivains, aux politiciens de l'ex-URSS et aux militants islamiques de la CEI, et aussi, bien sûr, à nous, les Italiens présents qui avions, en même temps que lui, connu des changements d'opinion, en apparence inattendus. Et tout cela s'est passé dans la Russie d'aujourd'hui, où tout est désormais possible et rien n'est certain (et qui pourra être, qui sait, la Russie d'hier, quand cet article paraîtra); nous avons en effet affaire à une Russie suspendue entre un passé glorieux et un futur ténébreux, mais grosse de potentialités inimaginables. C'est là-bas que Jean Thiriart a retrouvé une nouvelle jeunesse.


Dans une ville de Moscou qui survit au jour le jour entre l'apathie et la fébrilité, semblant attendre «quelque chose» dont on ne connaît encore ni le nom ni le visage; une ville où tout se passe, où tout peut se passer comme dans une dimension spéciale, entre ciel et terre. De la terre russe tout et le contraire de tout peut jaillir: le salut et l'extrême perdition, la renaissance ou la fin, une nouvelle puissance ou la désintégration totale d'un peuple qui fut impérial et est devenue, aujourd'hui, une plèbe misérable. Enfin, c'est là, et là seulement, que se joue le destin de tous les peuples européens et, en définitive, de la planète Terre. L'alternative est bien claire: ou nous aurons un nouvel empire eurasiatique qui nous guidera dans la lutte de libération de TOUS les peuples du globe ou nous assisterons au triomphe du mondialisme et de l'hégémonisme américain pour tout le prochain millénaire. C'est là-bas que l'écrivain et homme politique Jean Thiriart avait retrouvé l'ESPOIR de pouvoir mettre en pratique ses intuitions du passé, cette fois à une échelle bien plus vaste.


Dans cette terre de Russie, d'où peut surgir le messie armé des peuples d'Eurasie, nouvel avatar d'un cycle de civilisation ou Antéchrist des prophéties johanniques, nous aurons un espace pour toutes les alchimies et les expériences politiques, inconcevables si on les regarde avec des yeux d'Occidental. La Russie actuelle est un immense laboratoire, une terre politiquement vierge que l'on pourra féconder de greffons venus de loin, une terre vierge où la LIBERTE et la PUISSANCE vont se chercher pour s'accoupler et tenter de nouvelles synthèses: «Le chemin de la liberté passe par celui de la puissance», soulignait Thiriart dans son livre fondamental, «Il ne faudrait donc pas l'oublier, ou il faudrait l'apprendre à ceux qui l'ignorent. La liberté des faibles est un mythe vertuiste, une ingénuité à utilisation démagogique ou électorale. Les faibles n'ont jamais été libres et ne le seront jamais. Seule existe la liberté des forts. Celui qui veut être libre, doit se vouloir puissant. Celui qui veut être libre doit être capable d'arrêter d'autres libertés, car la liberté est envahissante et a tendance à empiéter sur celle des voisins faibles». Ou encore: «Il est criminel du point de vue de l'éducation politique de tolérer que les masses puissent être intoxiquées par des mensonges affaiblissants comme ceux qui consistent à “déclarer la paix” à ses voisins en s'imaginant ainsi pouvoir conserver sa liberté. Chacune de nos libertés a été acquise à la suite de combats répétés et sanglants et chacune d'entre elles ne sera maintenue que si nous pouvons faire étalage d'une force susceptible de décourager ceux qui voudraient nous en priver. Plus que d'autres, nous aimons certaines libertés et rejetons de nombreuses contraintes. Mais nous savons combien sont perpétuellement menacées ces libertés. Que ce soit en tant qu'individu, que ce soit en tant que nation, nous connaissons la source de la liberté et c'est la puissance. Si nous voulons conserver la première, nous devons cultiver la seconde. Elles sont inséparables» (p. 301-302).


Voilà une page qui, à elle seule, pourrait assurer à son auteur un poste dans une faculté d'histoire des sciences politiques. Quand tout semblait à nouveau possible et quand le jeu des grandes stratégies politiques revenait à l'avant-plan, sur un échiquier grand comme le monde, quand Thiriart venait à peine d'entrevoir la possibilité de donner vie à sa grande idée d'Unité, voilà qu'a surgi le dernier coup du destin: la mort.


En dépit de son inéluctabilité, elle est un événement qui nous surprend toujours, qui nous laisse avec un sentiment de regret et d'incomplétude. Dans le cas de Thiriart, le fait de la mort fait vagabonder l'esprit et nous imaginons tout ce que cet homme d'élite aurait encore pu nous apporter dans nos combats, tout ce qu'il aurait encore pu apprendre à ceux qui partagent notre cause, ne fût-ce que dans de simples échanges d'opinions, ne fût-ce qu'en formulant des propositions en matières culturelle et politique.


Enfin, il nous appartient de souligner la complétude de l'œuvre de Thiriart. Plus que tout autre, il avait complètement systématisé sa pensée politique, tout en restant toujours pleinement cohérent avec ses propres prémisses et en demeurant fidèle au style qu'il avait donné à sa vie.


Lui, moins que tout autre, on ne pourra pas lui faire dire post mortem autre chose qu'il n'ait réellement dite, ni adapter ses textes et ses thèses aux exigences politiques du moment. Il reste le fait, indubitable, que sans Jean Thiriart, nous n'aurions pas été ce que nous sommes devenus. En effet, nous sommes tous ses héritiers sur le plan des idées, que nous l'ayions connu personnellement ou que nous ne l'ayions connu qu'au travers de ses écrits. Nous avons tous été, à un moment ou à un autre de notre vie politique ou de notre quête idéologique, les débiteurs de ses analyses et de ses intuitions fulgurantes. Aujourd'hui, nous nous sentons tous un peu orphelins.


En cet instant, nous voulons nous rappeler d'un écrivain politique, d'un homme qui était tout simplement passionné, impétueux, d'une vitalité débordante, le visage toujours illuminé d'un sourire jeune et l'âme agitée par une passion dévorante, la même que celle qui brûle en nous, sans vaciller, sans la moindre incertitude ou le moindre fléchissement.


Le cas Jean Thiriart? C'est l'incarnation vivante, vitale, d'un homme d'élite qui porte son regard vers le lointain, qui voit de haut, au-delà des contingences du présent, où les masses restent prisonnières. J'ai voulu tracer le portrait d'un PROPHETE MILITANT.


Carlo TERRACCIANO.


 

 

mercredi, 28 janvier 2009

Lucha de clases / E. Niekisch : Lucha de clases

Lucha de clases

http://elfrentenegro.blogspot.com:



Introducción 

La lucha de clases apunta hacia arriba, en exigencia de los privilegios que le son negados. Quien está arriba toma medidas para no caer abajo, el que está abajo intenta en todo momento alcanzar la altura y el privilegio del que está arriba. Ahí está la importancia de la solidaridad de clase – sin solidaridad no hay revolución, sino capitalismo. El deseo de estar arriba, la lucha por alcanzar los elevados privilegios de unos pocos se convierte en zanahoria que hace avanzar al burro con la carga cuando este es solo individual. La publicitación de casos como el de Richard Branson, dueño de Virgin, que teóricamente comenzó siendo únicamente un parado sin futuro, fomenta este afán cómplice de trepar. El capitalismo utiliza y explota el anhelo de todos nosotros por alcanzar los privilegios de las clases altas. De lo que se trata el socialismo es de trabajar solidariamente, colectivamente, para acabar con esta desigualdad explotadora y no caer en las redes, en la orgía de ambiciones mezquinas y rivalidades miserables a la que nos arrastra tantas veces esta malvada lógica del capitalismo.

La competitividad y el individualismo deben ser substituidos por la colaboración y la solidaridad.



Lucha de clases
Por Ernst Niekisch

El siguiente texto fue publicado en noviembre de 1932 en la revista “Widerstand”. Estas líneas escritas por Niekisch tienen hoy todavía validez. Del mismo modo que en aquel entonces la clase política de la República de Weimar acordó una alianza con las potencias vencedoras de Versalles, se ha realizado tras la Segunda Guerra Mundial una simbiosis con el imperialismo occidental y el globalismo del capital.

Para una definición más cercana de la lucha de clases, por “proletariado” debe entenderse la totalidad de los trabajadores asalariados. Extensible, además, a la economía de servicios y a ocupaciones postindustriales – y basadas en la sociedad de comunicaciones – así como a la sociedad industrial en general, siempre sobre las premisas de la propiedad privada de los medios de producción y el trabajo asalariado y dependiente de esos medios de producción. En definitiva sobre la explotación capitalista desde arriba y la contradicción de clases en general.

I.

La diferencia de clases y la oposición que existe entre ellas sobre fundamentos tangibles, es un hecho que descansa inevitablemente en las particularidades de la naturaleza humana, ademas de en la forma de las sociedades humanas y su estructuración. En los tiempos de la “sociedad orgánica” (estamental-feudal) se escondían las contradicciones entre las clases tras las tensiones siempre irresolutas entre los distintos estamentos. Rico y pobre, señor y siervo, empleador y empleado, pero también noble y burgués no son de ningún modo únicamente las polaridades de un conjunto armonioso que se complementaban mutuamente, sino que mostraban una situación explosiva que debía ser domada por la estructura social, que debía ser combatida incesantemente por ésta.

Cuando el sentimiento de oposición de clases se eleva hasta convertirse en voluntad de luchar contra esa oposición, entonces se convierte esta oposición de clases en lucha de clases. La oposición de clases es algo que existe más allá de la voluntad humana. La lucha de clases es una consciente culminación de esta oposición, y que es alcanzada por voluntad humana. La oposición de clases se la encuentra uno, la lucha de clases debe ser organizada. La oposición de clases es un estado de cosas, la lucha de clases es una puesta en movimiento. Si la oposición de clases es el destino, la lucha de clases es la rebelión contra ese destino.

Las divisiones de clases son verticales. Éstas van de abajo hacia arriba. Abajo se soportan las cargas, la presión de la totalidad descansa sobre las espaldas de los que ahí se encuentran. Cuanto más se sube, más ligero se siente uno, con mayor libertad se puede mover uno y más puede estirar cabeza y hombros. La mirada de abajo hacia arriba es distinta a la mirada que se hace de arriba abajo. Abajo no hay nada que pueda ser envidiable para el que se halla arriba. El que está arriba no tiene ningún motivo para desear el destino de los que se encuentran por debajo suyo. Él disfruta su elevada condición, su excelsia, cada vez que baja su mirada hacia abajo. En cambio, lo alto que es mirado desde abajo, se muestra como el mejor, el más feliz de los destinos. Uno está excluido de él mientras permanece abajo, en definitiva se sufre y envidia cuando se contempla hacia arriba, a los privilegiados. Este hecho sencillo y básico constata que existen diferencias, las diferencias de clase.

Así es comprensible que la voluntad de lucha de clases sólo puede ser realmente entendida desde abajo. El que está arriba encuentra la situación del orden mundial bien atada para no perder su elevada posición. Quien está favorecido, piensa siempre estarlo con justicia. Él está, en el marco de la oposición de clases, en el lado de la luz. Allí no se desarrolla ningún impulso para tomar combatientemente los espacios que se hallan en el lado de la sobra. La burguesía está así siempre a favor del no-cambio, del Status Quo, de la Reacción – toda energía transformadora es automáticamente enemiga de ella, pues es potencial amenaza a su orden, al orden que le garantiza la continuidad de sus privilegios. La lucha de clases apunta siempre hacia arriba, en exigencia de los privilegios que le son negados. Quien está arriba toma todas las medidas para no caer abajo en cuanto la lucha de clases comienza. Todos los que están arriba tienen muy buenas razones para estigmatizar la lucha de clases como la peor infamia y el más terrible sacrilegio. Arriba se está muy bien. Para poder seguir sintiendose seguros en su comodidad, es necesario que los que esten abajo se acomoden a este estado de cosas con la misma satisfacción. Lucha de clases significa para ellos lo que un terremoto: que el suelo sobre el que tan cómodamente se han establecido se tambalee. “La lucha de clases debe ser desterrada como mal absoluto”: sobre esto están arriba todos de acuerdo. Cuando abajo se esté también de acuerdo, entonces se habrá acabado con la lucha de clases; el que está arriba, no necesitará tener nunca más el temor de ser derribado de sus privilegios. Pero abajo no están todos de acuerdo. Existe un creciente anhelo de atacar hacia arriba. Aquellos que no poseen nada más que las cadenas que los esclavizan, siempre volverán a tentar la suerte para ganarlo todo. Así pues, nunca será silenciado el ruido de la lucha de clases mientras éstas sigan existiendo.

II.

El marxismo afirma que la fuerza proulsora de la historia es la lucha de clases. Para él la historia no es otra cosa que la “historia de la lucha de clases”. Él mismo es la más completa empresa histórica de profundizar la conciencia de clase de las masas oprimidas a nivel global y de empaparla con el fanatismo de la voluntad de lucha de clase. Su interpretación histórica es uno de los medios para alimentar esta voluntad de lucha. Él explica la historia del mismo modo que quiere hacer historia.

Desde hace 70 años el trabajador alemán ha sido educado para la conciencia de clase. No existe en el Mundo ningún trabajador cuya voluntad de lucha de clases haya sido más azuzada. Sin embargo el trabajador alemán, hasta la fecha, todavía no ha llegado al día en el que se haya aventurado a la revolución del proletariado. 1918 fue un simple derrumbamiento: la política de coaliciones posterior a él no fue una lucha de clases sino un servicio lacayo al orden burgués. La causa del proletariado en su lucha de clases nunca ha conseguido hasta el momento actual la posibiliad de hacer historia en Alemania.

III.

Lucha de clases fue el leantamiento de la burguesia francesa contra el orden social feudal en el año 1789. Bajo los sucesores de Luis XIV (El Rey Sol), se fue hundiendo pedazo a pedazo la posición mundial de Francia. Perdió sus posiciones en América, se vió superada por Prusia y Austria, el endeudamiento del Estado paralizó su capacidad de movimiento en política exterior, etc. La capa feudal dominante despilfarró una brillante herencia histórica, estaba en camino de llevar a Francia a la completa ruina. Se convirtió en una fatal administradora de las necesidades vitales de su pueblo. ¿Existía un mejor protector de estas necesidades vitales? La burguesía reivindicó el poder serlo. Los aristócratas exilados, que azuzaron a las potencias extranjeras desde Coblenza contra Francia traidoramente, confirmaron la validez de esta reivindicación.

La burguesía ahuyentó a la nobleza por puro instinto de clase. Pero ésta se había ganado ya el ser expulsada por motivos de política nacional. La transformación fue mucho más que un acontecimiento social. En la Revolución Francesa se unió la lucha de clases con una ardiente preocupación nacional. El pueblo francés salvó su patria de la europa reaccionaria cuando decapitó a su rey y a su nobleza. El derribo del orden anterior le trajo grandes beneficios sociales, pero este derribo tuvo sobretodo una función nacional. La lucha de clases burguesa fue la forma por la que, ante la fuerza de los acontecimientos, podía ser defendida la lucha por la autodeterminación de Francia de la incompetencia de sus clases dirigentes anteriores y de las potencias extranjeras. La lucha de clases fue un medio de la lucha nacional. Fue la lucha nacional y no la lucha de clases lo que finalmente le dio a los acontecimientos su verdadero sentido. La oposición de clases fue azuzada hasta el nivel de lucha de clases para que se convirtiera en el impulso político necesario para la salvación nacional y en definitiva, de todos los franceses en su conjunto. La burguesía francesa se convirtió en la clase soberana porque su lucha de clases se subordinó a las necesidades políticas y nacionales de Francia en su conjunto. La lucha de clases de la Revolución Francesa no se agotó en su propio contenido porque la burguesía francesa construyó un nuevo poder nacional y político, y tomó la responsabilidad del país: ella quedó vencedora en la lucha de clases porque llevó con éxito la causa nacional hasta el final.

Del mismo modo que el pueblo de Francia se protegió del hundimiento de su país a causa de una clase dirigente podrida, también salvó el trabajador de Rusia a su patria de la fatalidad de la disolución y la colonización por parte de poderes extranjeros en 1917. La clase alta feudal y aristocrática de la rusia zarista se vendió a los enemigos del pais. Le pusieron un precio a la independencia nacional: la garantía de sus inaceptables privilegios y comodidades. De este modo se convirtió la mera existencia de esa clase alta en un peligro para Rusia; si Rusia quería conservar su libertad e independencia debía aniquilar esa corrompida clase alta. Se habían convertido en aliados y agentes de las potencias occidentales, la simple defensa de sus privilegios de clase era traición a la patria. Por consiguiente, les correspondía el destino de todos los traidores. Así, la Eterna Rusia pasó a manos de los partisanos, de los regimientos de trabajadores. Lenin fue reclamado como fiducidario de los intereses nacionales y del pueblo ruso de la noche al dia. La lucha de clases no hubiera tenido esa fuerza incendiaria si no hubiera sido cargada con la dinamita de la cuestión nacional. Anteriormente, la lucha de clases ya se puso de manifiesto como realidad, pero no tenía ni el filo ni el impulso necesarios para conquistar el poder. Sólo era un leve calor en las vigas de la estructura que quería derribar. Éste devino grande, convirtiéndose en un inmenso fuego, purificador de todo lo podrido, en el momento en el que tomó la responsabilidad de la causa nacional. También la revolución rusa fue una revolución nacional. La voluntad de lucha de clases del proletariado ruso tuvo su función política. Fue la moral del soldado, la que puso en movimiento a la clase trabajadora para tomar las riendas de un pais mal gobernado.

IV.

Es un hecho penoso el que los trabajadores alemanes con conciencia de clase, aparten la causa obrera de la causa nacional. Esto afecta tanto a socialdemócratas como a comunistas. Ellos se obstinan en su egoismo de clase, dogmáticamente centrado en si mismo y por lo tanto políticamente incapaz a nivel nacional y colectivo. Sus motivos, por si mismos, carecen del suficiente peso político como para gobernar a todo el pais. Con su actitud están eludiendo la responsabilidad de ser la necesaria herramienta que arregle la totalidad de los problemas del pais en estos dias, entre los cuales, la desigualdad de clases es sólo uno más; muy importante, pero no el único. La Socialdemocracia y el Partido Comunista son figuras sin vida, les falta la resolución de penetrar de pleno en la problemática alemana. El modo de entender la lucha de clases de los socialdemócratas, se convirtió en seguida en una frase vacía; ésta no intimidó en absoluto a los acomodados bugueses alemanes, más bien se sumó a ellos, y en seguida ha acabado convirtiéndose en un movimiento en manos de la burguesía, la política exterior francesa y su opresión de nuestro país. La lucha de clases desde la perspectiva del Partido Comunista, en cambio, se ha dispersado en una cacofonía sin sentido. Se esforzó por representar la revolución mundial, pero acabó siendo cautivo de los intereses de Rusia en suelo alemán (1).

El carácter burgués del Tratado de Versalles, su opresión sobre el pueblo alemán, es en la actualidad el desafío que la clase trabajadora debe tomar. Es necesario conquistar la emancipación como trabajadores, pero también como pueblo. Su voluntad de lucha de clase debe unirse a la voluntad de autodeterminación de Alemania. La socialdemocracia persiste ante este desafío en un llamativo mutismo. El comunismo alemán se ha sentido ocasionalmente inclinado a responder a este desafío, pero no han sido más que maniobras tácticas y superficiales. Ahora ya, hasta esos tanteos se han dejado de lado y ha vuelto de nuevo a cerrarse en su egoismo de clase. El que se esté imposibilitando la necesaria conexión entre la lucha de clases contra la opresión de la burguesía y la lucha por la autodeterminación de Alemania contra la opresión de las potencias occidentales, está favoreciendo a las fuerzas de la Reacción, y también al fascismo en su camino hacia el poder. La clase alta alemana, la burguesía, está pactando y colaborando con el enemigo extranjero, ella está pactando con Versalles del mismo modo que intentó pactar la clase alta rusa, la corrompida aristocracia feudal rusa, con Francia, Inglaterra, Japón y America en su momento. Ella está vendiendo el pais a las potencias occidentales, entregando sus riquezas a los Trusts interncacionales y endeudando al Estado, llevándolo hacia la catástrofe sólo en su propio beneficio, perjudicando al conjunto de la Nación. Su política es la política del prostituirse al mejor postor. Ella ha perdido cualquier autoridad moral para seguir donde está.

Pero no está habiendo nadie que tome la herramienta que salve a Alemania. Sólo mediante una lucha de clases alentada por el anhelo de libertad y soberanía de los alemanes puede salvar la situación actual. La lucha de clases por si sola se está demostrando del todo insuficiente, su aliento no basta para tomar una tamaña tarea histórica bajo su responsabilidad. (2)

Y así permanece esta tarea sin hacer.

Y así puede el orden burgues continuar desmantelando el sistema de protección social.

Esto es lo trágico de la situación alemana actual: el que la necesaria unión entre la causa del proletariado y la causa nacional no se esté realizando ni siquiera en sus aspectos más elementales.

La voluntad de lucha de clases, entendida así, más preocupada por su pureza que por su aplicación práctica, no liberará ni siquiera la capa social de la que se cuida.

La voluntad de lucha de clases como órgano político y contenido en la voluntad vital nacional es aquello que otorga la libertad a los pueblos.

NOTAS

(1) Tählemann era el hombre de Estalin en Alemania, el cual tras una serie de movimientos dudosos tomó la dirección del KPD (Partido Comunista Alemán), tal era la dependencia de este partido de Rusia, que incluso las intrigas y divisiones entre trotskistas y estalinistas por la toma del poder en Moscú acababan repercutiendo en él. Tal y como también se vió a partir del primero de mayo de 1937 en la Guerra Civil Española, los partidos comunistas (de la Tercera Internacional) se convirtieron en agentes de una especie de imperialismo ruso de izquierdas y no de la revolución obrera a nivel mundial. La mayor parte del pueblo alemán no estaba dispuesto a votar una opción que significaba el convertirse en un satélite de rusia (como acabaría sucediendo después de la Segunda Guerra Mundial). Ése fue un obstáculo decisivo para el comunismo en Alemania y probablemente lo que le dio el triunfo al nacionalsocialismo. El problema alemán era obrero, pero también nacional – hablamos de un pais oprimido por las potencias occidentales, constantemente humillado (prohibición de Fuerzas Armadas propias, ocupacion del Ruhr, constantes exigencias económicas a un pueblo empobrecido, política exterior en manos de los vencedores de la Primera Guerra Mundial, etc.). La mayor parte del pueblo alemán exigía una revolución contra la clase burguesa vendida a los intereses extranjeros: Tanto por cuestiones de clase como nacionales. El partido comunista alemán no supo estar en el lugar necesario porque era más ruso que alemán. Finalmente, y para desgracia de Alemania y Europa, fue el nacionalsocialismo quien supo aunar la causa del proletariado y la causa nacional.

(2) Esta formula, la unión de la causa del proletariado con la causa de la autodeterminación nacional, es la que acabaría siendo adoptada por muchos paises del Tercer Mundo en su proceso de descolonización 30 años después. Al igual que ellos, Alemania se encontraba en este período de entreguerras bajo el control económico, y en gran parte también político, de las potencias occidentales.

mardi, 30 décembre 2008

Revue: Rébellion n°33

Sortie de Rébellion 33

Le numéro de Novembre/Décembre 2008 est disponible.

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SOMMAIRE

L’ÉDITORIAL

Baroque Obama

ACTUALITÉBARACKOBAMA

Obama, produit de l’année /Barack Obama, l’éffroyable imposture

INTERNATIONALIRAK La guerre en Irak est-elle finie ?

GRÈCE

La jeunesse grecque montre la voie /Communiqué de Rébellion du 11/12/08

ÉCOLOGIEDEVELOPPEMENT DURABLE

L’imposture du développement durable

POLITIQUELE COURAGE INTELLECTUEL

Une éclaircie dans le paysage politique blême

CULTURECHRONIQUES LIVRES

L’invention du peuple de C.Karnoouh /Le crépuscule des élites de L.Dalmas

mercredi, 26 novembre 2008

Entretien avec Günter Maschke (1991)

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Lande de Lünebourg (Allemagne)

 

Archives de "Synergies Européennes" - 1991

Entretien avec Günter Maschke

 

propos recueillis par Dieter STEIN et Jürgen LANTER

 

Q.: Monsieur Maschke, êtes-vous un ennemi de la Constitution de la RFA?

 

GM: Oui. Car cette loi fondamentale (Grund­gesetz)  est pour une moitié un octroi, pour une autre moitié la production juri­dique de ceux qui collaborent avec les vain­queurs. On pourrait dire que cette constitu­tion est un octroi que nous nous sommes donné à nous-mêmes. Les meilleurs liens qui entravent l'Allemagne sont ceux que nous nous sommes fabriqués nous-mêmes.

 

Q.: Mais dans le débat qui a lieu aujourd'hui à propos de cette constitution, vous la défen­dez...

 

GM: Oui, nous devons défendre la loi fon­damentale, la constitution existante car s'il fallait en créer une nouvelle, elle serait pire, du fait que notre peuple est complètement «rééduqué» et de ce fait, choisirait le pire. Toute nouvelle constitution, surtout si le peu­ple en débat, comme le souhaitent aussi bon nombre d'hommes de droite, connaîtrait une inflation de droits sociaux, un gonfle­ment purement quantitatif des droits fon­damentaux, et conduirait à la destruction des prérogatives minimales qui reviennent normalement à l'Etat national.

 

Q.: Donc, quelque chose de fondamental a changé depuis 1986, où vous écriviez dans votre article «Die Verschwörung des Flakhelfer» (= La conjuration des auxiliaires de la DCA; ndlr: mobilisés à partir de 1944, les jeunes hommes de 14 à 17 ans devaient servir les batteries de DCA dans les villes al­lemandes; c'est au sein de cette classe d'âge que se sont développées, pour la première fois en Allemagne, certaines modes améri­caines de nature individualiste, telles que l'engouement pour le jazz, pour les mouve­ments swing et zazou; c'est évidemment cette classe d'âge-là qui tient les rênes du pouvoir dans la RFA actuelle; en parlant de conjuration des auxiliaires de la DCA, G. Maschke entendait stigmatiser la propen­sion à aduler tout ce qui est américain de même que la rupture avec toutes les tradi­tions politiques et culturelles européennes). Dans cet article aux accents pamphlétaires, vous écriviez que la Constitution était une prison de laquelle il fallait s'échapper...

 

GM: Vu la dégénérescence du peuple alle­mand, nous devons partir du principe que toute nouvelle constitution serait pire que celle qui existe actuellement. Les rapports de force sont clairs et le resteraient: nous de­vrions donc nous débarrasser d'abord de cette nouvelle constitution, si elle en venait à exister. En disant cela, je me doute bien que j'étonne les «nationaux»...

 

Q.: Depuis le 9 novembre 1989, jour où le Mur est tombé, et depuis le 3 octobre 1990, jour officiel de la réunification, dans quelle mesure la situation a-t-elle changé?

 

GM: D'abord, je dirais que la servilité des Allemands à l'égard des puissances étran­gères s'est encore accrue. Ma thèse a tou­jours été la suivante: rien, dans cette réuni­fication, ne pouvait effrayer la France ou l'An­gleterre. Comme nous sommes devenus terriblement grands, nous sommes bien dé­cidés, désormais, à prouver, par tous les moyens et dans des circonstances plus cri­tiques, notre bonne nature bien inoffensive. L'argumentaire développé par le camp na­tio­nal ou par les établis qui ont encore un pe­tit sens de la Nation s'est estompé; il ne s'est nullement renforcé. Nous tranquilisons le mon­de entier, en lui disant qu'il s'agit du processus d'unification européenne qui est en cours et que l'unité allemande n'en est qu'une facette, une étape. Si d'aventure on rendait aux Allemands les territoires de l'Est (englobés dans la Pologne ou l'URSS), l'Autriche ou le Tyrol du Sud, ces braves Teu­tons n'oseraient même plus respirer; ain­si, à la joie du monde entier, la question allemande serait enfin réglée. Mais trêve de plaisanterie... L'enjeu, la Guerre du Golfe nous l'a montré. Le gouvernement fédéral a payé vite, sans sourciller, pour la guerre des Alliés qui, soit dit en passant, a eu pour ré­sultat de maintenir leur domination sur l'Al­lemagne. Ce gouvernement n'a pas osé exiger une augmentation des impôts pour améliorer le sort de nos propres compa­trio­tes de l'ex-RDA, mais lorsqu'a éclaté la guer­re du Golfe, il a immédiatement imposé une augmentation et a soutenu une action militaire qui a fait passer un peu plus de 100.000 Irakiens de vie à trépas. Admettons que la guerre du Golfe a servi de prétexte pour faire passer une nécessaire augmenta­tion des impôts. Il n'empêche que le procédé, que ce type de justification, dévoile la dé­chéance morale de nos milieux officiels. Pas d'augmentation des impôts pour l'Alle­ma­gne centrale, mais une augmenta­tion pour permettre aux Américains de massacrer les Irakiens qui ne nous mena­çaient nullement. Je ne trouve pas de mots assez durs pour dé­noncer cette aberration, même si je stig­ma­tise très souvent les hypo­crisies à conno­ta­tions humanistes qui con­duisent à l'inhu­ma­nité. Je préfère les dis­cours non huma­nistes qui ne conduisent pas à l'inhuma­ni­té.

 

Q.: Comment le gouvernement fédéral au­rait-il dû agir?

 

GM: Il avait deux possibilités, qui peuvent sembler contradictoires à première vue. J'ai­me toujours paraphraser Charles Maur­ras et dire «La nation d'abord!». Première possibilité: nous aurions dû parti­ciper à la guerre avec un fort contingent, si possible un contingent quantitativement su­périeur à ce­lui des Britanniques, mais ex­clusivement avec des troupes terrestres, car, nous Alle­mands, savons trop bien ce qu'est la guerre aérienne. Nous aurions alors dû lier cet engagement à plusieurs conditions: avoir un siège dans le Conseil de Sécurité, faire sup­primer les clauses des Nations Unies qui font toujours de nous «une nation ennemie», fai­re en sorte que le traité nous interdisant de posséder des armes nu­cléaires soit rendu caduc. Il y a au moins certains indices qui nous font croire que les Etats-Unis auraient accepté ces conditions. Deuxième possibilité: nous aurions dû refu­ser catégoriquement de nous impliquer dans cette guerre, de quelque façon que ce soit; nous aurions dû agir au sein de l'ONU, sur­tout au moment où elle était encore réticente, et faire avancer les cho­ses de façon telle, que nous aurions dé­clenché un conflit de grande envergure avec les Etats-Unis. Ces deux scénarios n'appa­raissent fantasques que parce que notre dé­gé­nérescence nationale et politique est désor­mais sans limites.

 

Q.: Mais la bombe atomique ne jette-t-elle pas un discrédit définitif sur le phénomène de la guerre?

 

GM: Non. Le vrai problème est celui de sa lo­calisation. Nous n'allons pas revenir, bien sûr, à une conception merveilleuse de la guer­re limitée, de la guerre sur mesure. Il n'empêche que le phénomène de la guerre doit être accepté en tant que régulateur de tout statu quo devenu inacceptable. Sinon, de­vant toute crise semblable à celle du Ko­weit, nous devrons nous poser la question: de­vons-nous répéter ou non l'action que nous avons entreprise dans le Golfe? Alors, si nous la répétons effectivement, nous créons de facto une situation où plus aucun droit des gens n'est en vigueur, c'est-à-dire où seu­le une grande puissance exécute ses plans de guerre sans égard pour personne et impose au reste du monde ses intérêts parti­culiers. Or comme toute action contre une grande puissance s'avère impossible, nous aurions en effet un nouvel ordre mondial, centré sur la grande puissance dominante. Et si nous ne répétons pas l'action ou si nous introduisons dans la pratique politique un «double critère» (nous intervenons contre l'Irak mais non contre Israël), alors le nou­veau droit des gens, expression du nouvel ordre envisagé, échouera comme a échoué le droit des gens imposé par Genève jadis. S'il n'y a plus assez de possibilités pour faire ac­cepter une mutation pacifique, pour amorcer une révision générale des traités, alors nous devons accepter la guerre, par nécessité. J'a­jouterais en passant que toute la Guerre du Golfe a été une provocation, car, depuis 1988, le Koweit menait une guerre froide et une guerre économique contre l'Irak, avec l'encouragement des Américains.

 

Q.: L'Allemagne est-elle incapable, au­jourd'hui, de mener une politique extérieure cohérente?

 

GM: A chaque occasion qui se présentera sur la scène de la grande politique, on verra que non seulement nous sommes incapables de mener une opération, quelle qu'elle soit, mais, pire, que nous ne le voulons pas.

 

Q.: Pourquoi?

 

GM: Parce qu'il y a le problème de la culpa­bilité, et celui du refoulement: nous avons refoulé nos instincts politiques profonds et naturels. Tant que ce refoulement et cette cul­pabilité seront là, tant que leurs retom­bées concrètes ne seront pas définitivement éliminées, il ne pourra pas y avoir de poli­tique allemande.

 

Q.: Donc l'Allemagne ne cesse de capituler sur tous les fronts...

 

GM: Oui. Et cela appelle une autre question: sur les monuments aux morts de l'avenir, inscrira-t-on «ils sont tombés pour que soit imposée la résolution 1786 de l'ONU»? Au printemps de cette année 1991, on pouvait re­pérer deux formes de lâcheté en Allemagne. Il y avait la lâcheté de ceux qui, en toutes cir­constances, hissent toujours le drapeau blanc. Et il y avait aussi la servilité de la CSU qui disait: «nous devons combattre aux côtés de nos amis!». C'était une servilité machiste qui, inconditionnellement, voulait que nous exécutions les caprices de nos pseudo-amis.

 

Q.: Sur le plan de la politique intérieure, qui sont les vainqueurs et qui sont les perdants du débat sur la Guerre du Golfe?

 

GM: Le vainqueur est inconstestablement la gauche, style UNESCO. Celle qui n'a que les droits de l'homme à la bouche, etc. et estime que ce discours exprime les plus hautes va­leurs de l'humanité. Mais il est une question que ces braves gens ne se posent pas: QUI décide de l'interprétation de ces droits et de ces valeurs? QUI va les imposer au monde? La réponse est simple: dans le doute, ce sera toujours la puissance la plus puissante. A­lors, bonjour le droit du plus fort! Les droits de l'homme, récemment, ont servi de levier pour faire basculer le socialisme. A ce mo­ment-là, la gauche protestait encore. Mais aujourd'hui, les droits de l'homme servent à fractionner, à diviser les grands espaces qui recherchent leur unité, où à dé­truire des Etats qui refusent l'alignement, où, plus sim­plement, pour empêcher cer­tains Etats de fonctionner normalement.

 

Q.: Que pensez-vous du pluralisme?

 

GM: Chez nous, on entend, par «pluralis­me», un mode de fonctionnement politique qui subsiste encore ci et là à grand peine. On prétend que le pluralisme, ce sont des camps politiques, opposés sur le plan de leurs Welt­an­schauungen, qui règlent leurs différends en négociant des compromis. Or la RFA, si l'on fait abstraction des nouveaux Länder d'Al­lemagne centrale, est un pays idéolo­gi­quement arasé. Les oppositions d'ordre con­fessionnel ne constituent plus un facteur; les partis ne sont plus des «armées» et n'exi­gent plus de leurs membres qu'ils s'en­ga­gent totalement, comme du temps de la Ré­pu­blique de Weimar. A cette époque, comme nous l'enseigne Carl Schmitt, les «totalités parcellisées» se juxtaposaient. On naissait quasiment communiste, catholique du Zen­trum, social-démocrate, etc. On pas­sait sa jeunesse dans le mouvement de jeu­nesse du parti, on s'affiliait à son association sportive et, au bout du rouleau, on était en­terré grâce à la caisse d'allocation-décès que les core­li­gionnaires avaient fondée... Ce plu­ralisme, qui méritait bien son nom, n'existe plus. Chez nous, aujourd'hui, ce qui do­mine, c'est une mise-au-pas intérieure com­plète, où, pour faire bonne mesure, on laisse subsister de petites différences mineures. Les bonnes consciences se réjouissent de cette situation: elles estiment que la RFA a résolu l'énigme de l'histoire. C'est là notre nouveau wilhel­mi­nisme: «on y est arrivé, hourra!»; nous avons tiré les leçons des er­reurs de nos grands-pères. Voilà le consen­sus et nous, qui étions, paraît-il, un peuple de héros (Hel­den),  sommes devenus de véri­tables marc­hands (Händler),  pacifiques, amoureux de l'argent et roublards. Qui plus est, la four­chette de ce qui peut être dit et pensé sans encourir de sanctions s'est ré­duite conti­nuel­lement depuis les années 50. Je vous rappel­lerais qu'en 1955 paraissait, dans une gran­de maison d'édition, la Deutsche Verlags-Anstalt, un livre de Wilfried Martini, Das Ende aller Sicherheit,  l'une des critiques les plus pertinentes de la démocratie parle­men­taire. Ce livre, au­jourd'hui, ne pourrait plus paraître que chez un éditeur ultra-snob ou dans une maison minuscule d'obédience ex­trê­me-droitiste. Cela prouve bien que l'es­pace de liberté intel­lectuelle qui nous reste se rétrécit comme une peau de chagrin. Les cri­tiques du sys­tème, de la trempe d'un Mar­tini, ont été sans cesse refoulés, houspillés dans les feuilles les plus obscures ou les cé­nacles les plus sombres: une fatalité pour l'intelligence! L'Allemagne centrale, l'ex-RDA, ne nous apportera aucun renouveau spirituel. Les intellectuels de ces provinces-là sont en grande majorité des adeptes exta­tiques de l'idéologie libérale de gauche, du pacifisme et de la panacée «droit-de-l'hom­marde». Ils n'ont conservé de l'idéologie of­ficielle de la SED (le parti au pouvoir) que le miel humaniste: ils ne veu­lent plus entendre parler d'inimitié (au sens schmittien), de con­flit, d'agonalité, et four­rent leur nez dans les bouquins indigestes et abscons de Stern­berger et de Habermas. Mesurez le désastre: les 40 ans d'oppression SED n'ont même pas eu l'effet d'accroître l'intelligence des op­pressés!

 

Q.: Mais les Allemands des Länder centraux vont-ils comprendre le langage de la réédu­cation que nous maîtrisons si bien?

 

GM: Ils sont déjà en train de l'apprendre! Mais ce qui est important, c'est de savoir re­pérer ce qui se passe derrière les affects qu'ils veulent bien montrer. Savoir si quel­que chose changera grâce au nouveau mé­lan­ge inter-allemand. Bien peu de choses se dessinent à l'horizon. Mais c'est égale­ment une question qui relève de l'achèvement du processus de réunification, de l'harmo­ni­sa­tion économique, de savoir quand et com­ment elle réussira. A ce mo­ment-là, l'Alle­ma­gne pourra vraiment se demander si elle pourra jouer un rôle poli­tique et non plus se borner à suivre les Alliés comme un toutou. Quant à la classe politique de Bonn, elle es­père pouvoir échapper au destin grâce à l'u­nification européenne. L'absorption de l'Al­le­magne dans le tout eu­ropéen: voilà ce qui devrait nous libérer de la grande politique. Mais cette Europe ne fonc­tionnera pas car tout ce qui était «faisable» au niveau eu­ro­péen a déjà été fait depuis longtemps. La cons­truction du marché inté­rieur est un bri­colage qui n'a ni queue ni tête. Prenons un exemple: qui décidera de­main s'il faut ou non proclamer l'état d'urgence en Grèce? Une majorité rendue possible par les voix de quelques députés écossais ou belges? Vouloir mener une poli­tique supra-nationale en con­servant des Etats nationaux consolidés est une impossi­bilité qui divisera les Européens plutôt que de les unir.

 

Q.: Comment jugez-vous le monde du con­servatisme, de la droite, en Allemagne? Sont-ils les moteurs des processus domi­nants ou ne sont-ils que des romantiques qui claudiquent derrière les événements?

 

GM: Depuis 1789, le monde évolue vers la gauche, c'est la force des choses. Le natio­nal-socialisme et le fascisme étaient, eux aussi, des mouvements de gauche (j'émets là une idée qui n'est pas originale du tout). Le conservateur, le droitier  —je joue ici au terrible simplificateur—  est l'homme du moin­dre mal. Il suit Bismarck, Hitler, puis Adenauer, puis Kohl. Et ainsi de suite, us­que ad finem. Je ne suis pas un conserva­teur, un homme de droite. Car le problème est ailleurs: il importe bien plutôt de savoir comment, à quel moment et qui l'on «main­tient». Ce qui m'intéresse, c'est le «main­te­neur», l'Aufhalter,  le Cat-echon  dont par­lait si souvent Carl Schmitt. Hegel et Sa­vi­gny étaient des Aufhalter  de ce type; en poli­ti­que, nous avons eu Napoléon III et Bis­marck. L'idée de maintenir, de contenir le flot révolutionnai­re/­dis­s­olutif, m'apparait bien plus intéressante que toutes les belles idées de nos braves conservateurs droitiers, si soucieux de leur Bildung.  L'Aufhalter  est un pessimiste qui passe à l'action. Lui, au moins, veut agir. Le conservateur droitier ouest-allemand, veut-il agir? Moi, je dis que non!

 

Q.: Quelles sont les principales erreurs des hommes de droite allemands?

 

GM: Leur grande erreur, c'est leur rous­seauisme, qui, finalement, n'est pas telle­ment éloigné du rousseauisme de la gauche. C'est la croyance que le peuple est naturel­lement bon et que le magistrat est corrup­ti­ble. C'est le discours qui veut que le peuple soit manipulé par les politiciens qui l'op­pres­sent. En vérité, nous avons la démo­cratie to­tale: voilà notre misère! Nous avons au­jour­d'hui, en Allemagne, un système où, en haut, règne la même morale ou a-morale qu'en bas. Seule différence: la place de la vir­gule sur le compte en banque; un peu plus à gauche ou un peu plus à droite. Pour tout ordre politique qui mérite d'être qualifié d'«or­dre», il est normal qu'en haut, on puis­se faire certaines choses qu'il n'est pas per­mis de faire en bas. Et inversément: ceux qui sont en haut ne peuvent pas faire cer­taines choses que peuvent faire ceux qui sont en bas. On s'insurge contre le financement des partis, les mensonges des politiciens, leur corruption, etc. Mais le mensonge et la cor­ruption, c'est désormais un sport que prati­que tout le peuple. Pas à pas, la RFA devient un pays orientalisé, parce que les structures de l'Etat fonctionnent de moins en moins correctement, parce qu'il n'y a plus d'éthi­que politique, de Staatsethos,  y com­pris dans les hautes sphères de la bureau­cratie. La démocratie accomplie, c'est l'uni­ver­salisa­tion de l'esprit du p'tit cochon roublard, le règne universel des petits ma­lins. C'est précisément ce que nous subis­sons aujour­d'hui. C'est pourquoi le mécon­tentement à l'égard de la classe politicienne s'estompe toujours aussi rapidement: les gens devinent qu'ils agiraient exactement de la même fa­çon. Pourquoi, dès lors, les politi­ciens se­raient-ils meilleurs qu'eux-mêmes? Il fau­drait un jour examiner dans quelle mesure le mépris à l'égard du politicien n'est pas l'envers d'un mépris que l'on cul­tive trop souvent à l'égard de soi-même et qui s'ac­com­mode parfaitement de toutes nos pe­tites prétentions, de notre volonté générale à vou­loir rouler autrui dans la farine, etc.

 

Q.: Et le libéralisme?

 

GM: Dans les années qui arrivent, des crises toujours plus importantes secoueront la pla­nète, le pays et le concert international. Le libéralisme y rencontrera ses limites. La pro­chaine grande crise sera celle du libéra­lisme. Aujourd'hui, il triomphe, se croit in­vincible, mais demain, soyez en sûr, il tom­bera dans la boue pour ne plus se relever.

 

Q.: Pourquoi?

 

GM: Parce que le monde ne deviendra ja­mais une unité. Parce que les coûts de toutes sortes ne pourront pas constamment être externalisés. Parce que le libéralisme vit de ce qu'ont construit des forces pré-libérales ou non libérales; il ne crée rien mais consomme tout. Or nous arrivons à un stade où il n'y a plus grand chose à consommer. A commen­cer par la morale... Puisque la morale n'est plus déterminée par l'ennemi extérieur, n'a plus l'ennemi extérieur pour affirmer ce qu'elle entend être et promouvoir, nous dé­bouchons tout naturellement sur l'implosion des valeurs...  Et le libéralisme échouera par­ce qu'il ne pourra plus satisfaire les be­soins économiques qui se font de plus en plus pressants, notamment en Europe orientale.

 

Q.: Vous croyez donc que les choses ne changent qu'à coup de catastrophes?

 

GM: C'est exact. Seules les catastrophes font que le monde change. Ceci dit, les catas­tro­phes ne garantissent pas pour autant que les peuples modifient de fond en comble leurs modes de penser déficitaires. Depuis des an­nées, nous savions, ou du moins nous étions en mesure de savoir, ce qui allait se passer si l'Europe continuait à être envahie en masse par des individus étrangers à notre espace, provenant de cultures radica­lement autres par rapport aux nôtres. Le problème devient particulièrement aigu en Allemagne et en France. Quand nous au­rons le «marché in­térieur», il deviendra plus aigu encore. Or à toute politique ration­nelle, on met des bâtons dans les roues en invoquant les droits de l'homme, etc. Ceci n'est qu'un exemple pour montrer que le fossé se creusera toujours davantage entre la capacité des uns à prévoir et la promptitude des autres à agir en con­séquence.

 

Q.: Ne vous faites-vous pas d'illusions sur la durée que peuvent prendre de tels processus? Au début des années 70, on a pronostiqué la fin de l'ère industrielle; or, des catastrophes comme celles de Tchernobyl n'ont eu pour conséquence qu'un accroissement générale de l'efficience industrielle. Même les Verts pratiquent aujourd'hui une politique indus­trielle. Ne croyez-vous pas que le libéralisme s'est montré plus résistant et innovateur qu'on ne l'avait cru?

 

GM: «Libéralisme» est un mot qui recouvre beaucoup de choses et dont la signification ne s'étend pas à la seule politique indus­triel­le. Mais, même en restant à ce niveau de po­litique industrielle, je resterai critique à l'é­gard du libéralisme. Partout, on cherche le salut dans la «dé-régulation». Quelles en sont les conséquences? Elles sont patentes dans le tiers-monde. Pour passer à un autre plan, je m'étonne toujours que la droite re­proche au libéralisme d'être inoffensif et inefficace, alors qu'elle est toujours vaincue par lui. On oublie trop souvent que le libéra­lisme est aussi ou peut être un système de domination qui fonctionne très bien, à la condition, bien sûr, que l'on ne prenne pas ses impératifs au sérieux. C'est très clair dans les pays anglo-saxons, où l'on parle sans cesse de democracy  ou de freedom,  tout en pensant God's own country  ou Britannia rules the waves.  En Allemagne, le libéralisme a d'emblée des effets destruc­teurs et dissolutifs parce que nous prenons les idéologies au sérieux, nous en faisons les impératifs catégoriques de notre agir. C'est la raison pour laquelle les Alliés nous ont octroyé ce système après 1945: pour nous neutraliser.

 

Q.: Etes-vous un anti-démocrate,

Monsieur Maschke?

 

GM: Si l'on entend par «démocratie» la par­titocratie existente, alors, oui, je suis anti-démocrate. Il n'y a aucun doute: ce système promeut l'ascension sociale de types hu­mains de basse qualité, des types humains médiocres. A la rigueur, nous pourrions vi­vre sous ce système si, à l'instar des Anglo-Sa­xons ou, partiellement, des Français, nous l'appliquions ou l'instrumentalisions avec les réserves né­cessaires, s'il y avait en Allemagne un «bloc d'idées incontestables», imperméable aux effets délétères du libé­ra­lisme idéologique et pratique, un «bloc» se­lon la définition du ju­riste français Maurice Hauriou. Evidemment, si l'on veut, les Alle­mands ont aujourd'hui un «bloc d'idées in­contes­tables»: ce sont celles de la culpabilité, de la rééducation, du refoulement des acquis du passé. Mais contrairement au «bloc» dé­fini par Hauriou, notre «bloc» est un «bloc» de faiblesses, d'éléments affaiblissants, in­ca­­pacitants. La «raison d'Etat» réside chez nous dans ces faiblesses que nous cultivons jalousement, que nous conservons comme s'il s'agissait d'un Graal. Mais cette omni­pré­sence de Hitler, cette fois comme cro­que­mitaine, signifie que Hitler règne tou­jours sur l'Allemagne, parce que c'est lui, en tant que contre-exemple, qui détermine les règles de la politique. Je suis, moi, pour la suppres­sion définitive du pouvoir hitlérien.

 

Q.: Vous êtes donc le seul véritable

anti-fasciste?

 

GM: Oui. Chez nous, la police ne peut pas être une police, l'armée ne peut pas être une armée, le supérieur hiérarchique ne peut pas être un supérieur hiérarchique, un Etat ne peut pas être un Etat, un ordre ne peut pas être un ordre, etc. Car tous les chemins mènent à Hitler. Cette obsession prend les formes les plus folles qui soient. Les spécula­tions des «rééducateurs» ont pris l'ampleur qu'elles ont parce qu'ils ont affirmé avec succès que Hitler résumait en sa personne tout ce qui relevait de l'Etat, de la Nation et de l'Autorité. Les conséquences, Arnold Gehlen les a résumées en une seule phrase: «A tout ce qui est encore debout, on extirpe la moëlle des os». Or, en réalité, le système mis sur pied par Hitler n'était pas un Etat mais une «anarchie autoritaire», une alliance de groupes ou de bandes qui n'ont jamais cessé de se combattre les uns les autres pendant les douze ans qu'a duré le national-socia­lisme. Hitler n'était pas un nationaliste, mais un impérialiste racialiste. Pour lui, la nation allemande était un instrument, un réservoir de chair à canon, comme le prouve son comportement du printemps 1945. Mais cette vision-là, bien réelle, de l'hitlérisme n'a pas la cote; c'est l'interprétation sélective­ment colorée qui s'est imposée dans nos es­prits; résultat: les notions d'Etat et de Nation peuvent être dénoncées de manière ininter­rompue, détruites au nom de l'éman­cipa­tion.

 

Q.: Voyez-vous un avenir pour la droite en Allemagne?

 

GM: Pas pour le moment.

 

Q.: A quoi cela est-il dû?

 

GM: Notamment parce que le niveau intel­lectuel de la droite allemande est misérable. Je n'ai jamais cessé de le constater. Avant, je prononçais souvent des conférences pour ce public; je voyais arriver 30 bonshommes, parmi lesquels un seul était lucide et les 29 autres, idiots. La plupart étaient tenaillés par des fantasmes ou des ressentiments. Ce public des cénacles de droite vous coupe tous vos effets. Ce ne sont pas des assemblées, soudées par une volonté commune, mais des poulaillers où s'agitent des individus qui se prétendent favorables à l'autorité mais qui, en réalité, sont des produits de l'éducation anti-autoritaire.

 

Q.: L'Amérique est-elle la cible principale

de l'anti-libéralisme?

 

GM: Deux fois en ce siècle, l'Amérique s'est dressée contre nous, a voulu détruire nos œu­vres politiques, deux fois, elle nous a dé­claré la guerre, nous a occupés et nous a ré­éduqués.

 

Q.: Mais l'anti-américanisme ne se déploie-t-il pas essentiellement au niveau «impolitique» des sentiments?

 

GM: L'Amérique est une puissance étran­gè­re à notre espace, qui occupe l'Europe. Je suis insensible à ses séductions. Sa culture de masse a des effets désorientants. Certes, d'aucuns minimisent les effets de cette cul­ture de masse, en croyant que tout style de vie n'est que convention, n'est qu'extériorité. Beaucoup le croient, ce qui prouve que le pro­blème de la forme, problème essentiel, n'est plus compris. Et pas seulement en Alle­ma­gne.

 

Q.: Comment expliquez-vous la montée du néo-paganisme, au sein des droites, spécia­lement en Allemagne et en France?

 

GM: Cette montée s'explique par la crise du christianisme. En Allemagne, après 1918, le protestantisme s'est dissous; plus tard, à la suite de Vatican II dans les années 60, ça a été au tour du catholicisme. On interprète le problème du christianisme au départ du con­cept d'«humanité». Or le christianisme ne repose pas sur l'humanité mais sur l'a­mour de Dieu, l'amour porté à Dieu. Au­jour­d'hui, les théologiens progressistes attri­buent au christianisme tout ce qu'il a jadis combattu: les droits de l'homme, la démo­cra­tie, l'amour du lointain (de l'exotique), l'af­faiblissement de la nation. Pourtant, du christianisme véritable, on ne peut même pas déduire un refus de la poli­tique de puis­sance. Il suffit de penser à l'époque baroque. De nos jours, nous trou­vons des chrétiens qui jugent qu'il est très chrétien de rejetter la distinction entre l'ami et l'ennemi, alors qu'el­le est induite par le péché originel, que les théologiens actuels cherchent à mini­mi­ser dans leurs interpré­tations. Mais seul Dieu peut lever cette dis­tinction. Hernán Cor­tés et Francisco Pizarro savaient encore que c'était impossible, con­trairement à nos évêques d'aujourd'hui, Lehmann et Kruse. Cortés et Pizarro étaient de meilleurs chré­tiens que ces deux évêques. Le néo-paga­nis­me a le vent en poupe à notre époque où la sécularisation s'accélére et où les églises el­les-mêmes favorisent la dé-spi­ritualisation. Mais être païen, cela signifie aussi prier. Demandez donc à l'un ou l'autre de ces néo-païens s'il prie ou s'il croit à l'un ou l'autre dieu païen. Au fond, le néo-paga­nisme n'est qu'un travestissement actualisé de l'athéis­me et de l'anticléricalisme. Pour moi, le néo-paganisme qui prétend revenir à nos racines est absurde. Nos racines se si­tuent dans le christianisme et nous ne pou­vons pas reve­nir 2000 ans en arrière.

 

Q.: Alors, le néo-paganisme,

de quoi est-il l'indice?

 

GM: Il est l'indice que nous vivons en déca­dence. Pour stigmatiser la décadence, notre époque a besoin d'un coupable et elle l'a trou­vé dans le christianisme. Et cela dans un mon­de où les chrétiens sont devenus ra­rissi­mes! Le christianisme est coupable de la dé­cadence, pensait Nietzsche, ce «fanfaron de l'intemporel» comme aimait à l'appeler Carl Schmitt. Nietzsche est bel et bien l'ancêtre spirituel de ces gens-là. Mais qu'entendait Nietzsche par christianisme? Le protestan­tis­me culturel libéral, prusso-allemand. C'est-à-dire une idéologie qui n'existait pas en Italie et en France; aussi je ne saisis pas pourquoi tant de Français et d'Italiens se réclament de Nietzsche quand ils s'attaquent au christianisme.

 

Q.: Monsieur Maschke, nous vous remer­cions de nous avoir accordé cet entretien.

 

(une version abrégée de cet entretien est pa­rue dans Junge Freiheit n°6/91; adresse: JF, Postfach 147, D-7801 Stegen/Freiburg).                

vendredi, 21 novembre 2008

Flash Magazine n°2

Le No. 2 en kiosque le samedi 22-11-2008
Le no. 3 rendez-vous le jeudi 04-12-2008
Flash : Journal gentil et intelligen

vendredi, 07 novembre 2008

Heeft Joris van Severen invloed van G. Sorel ondergaan?

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Heeft Joris van Severen invloed van Georges Sorel ondergaan?

 

Gevonden op: http://www.jorisvanseveren.org

Piet Tommissen, Ukkel

Dat ik de titel van deze bescheiden bijdrage als een vraag ingekleed heb heeft zo zijn reden. Inderdaad kan ik geen sluitende argumenten aanvoeren om te bevestigen of te ontkennen dat die invloed bestaan heeft. Onlangs omzeilde ik - om het met de woorden te zeggen van de Russische romancier Ivan Turgeniev (1818-1883), één van de aanspraakmakers op het vaderschap van het uit onze woordenschat niet weg te denken begrip ‘nihilisme’ – de kaap van de 80 lentes en op die leeftijd smeedt men liefst geen plannen meer hoe groot de bekoring ook weze. De bijdrage werd daarom geschreven in de hoop dat een jongere vorser zou nagaan of Van Severen al dan niet door Sorel beïnvloed is geworden. Ik ben van mening dat een grondig onderzoek de moeite waard is, temeer daar meteen naar mogelijke invloed zowel van Georges Valois (pseudoniem van Georges Gressent, 1878-1945) als van de ‘Clarté’-beweging kan gespeurd worden.

Wat mij betreft mag iedereen over Ward Hermans (1897-1992), ooit lid van het Verdinaso en vooral bekend geworden als de man van de destijds furore makende documenten van Utrecht (1929), denken wat hij wil. Maar niemand kan ontkennen dat hij zeer belezen en met het geestesleven van zijn tijd vrij goed vertrouwd was. Men denke slechts aan zijn opstellenbundel De Avondland-Idee & Vlaanderen, die zowel qua titel als qua inhoud invloed verraadt van Oswald Spengler (1880-1936).1 Dat opus en een paar andere geschriften van Hermans gelezen hebbende werd mijn nieuwsgierigheid gewekt toen ik in een vergeeld nummer van het maandblad De nieuwe Dag op een artikel van zijn hand stiet.2 Het handelt over de geëngageerde literatuur. Ofschoon het als zodanig een kritische analyse verdient, beperk ik me hier evenwel tot de vaststelling dat tot twee keer toe gewezen wordt op de invloed die Georges Sorel (1847-1922) op Van Severen zou uitgeoefend hebben.

Ik citeer: (a): “Wanneer men het proces maakt van de geëngageerde literatuur, moet men in Vlaanderen onvermijdelijk denken aan een biezonder typisch voorbeeld: dit van Joris van Severen, van de linksgerichte groep ‘Clarté’ via Ter Waarheid, langzaam evoluerend naar rechts onder invloed der filosofie van Sorel en de bellettrie van Maurras. Hier heeft men, in een notendop, heel de tragiek van een strijdend Vlaming, omzeggens van huis uit veroordeeld om op het verkeerde front te sterven. En, totale deernis van deze tragiek, te vallen onder de kogels van een volk, dat hem naar geest en gevoel meer verwant was dan dit van Goethe en Humboldt.”; (b): “Eens inspireerde Sorel het prefascisme. Mussolini komt van daar. En we zegden het reeds: ook van Severen.”3 Er dient bijgezegd dat Hermans een retour van de theorieën van Sorel ontwaarde: “Wie Sorels invloed heeft gekend op de generatie van tussen twee wereldoorlogen, weet maar al te goed wat dit betekent. Het is het geweld in dienst van de gedachte. De gedachte die niet tot werkelijkheid kan worden zonder de daad van het geweld.”4

Wat Hermans over de ontwikkelingsgang van Van Severen schrijft is overigens ook op zijn eigen evolutie en , zoals hij terecht schrijft, op die van heel wat van zijn tijdgenoten van toepassing. Na Wereldoorlog 1 voltrok zich namelijk in West-Europa een proces dat men ideologische inversie zou kunnen noemen: iemand die door de linkse parolen werd aangelokt kon in een latere levensfase naar rechts opschuiven, en omgekeerd.5 Zo is geweten dat Sorel en enkele prominente aanhangers van de Clarté-beweging6 in een volgende fase de zwenking naar rechts hebben voltrokken. 6

Vik Eggermont (°1929) schrijft dat Van Severen zich interesseerde voor leidinggevende figuren van linkse signatuur - hij vernoemt Karl Liebknecht (1871-1919), Rosa Luxemburg (1870-1919)  en Henriette Roland Holst (1869-1952), maar had tevens Gustav Landauer (1870-1919) kunnen vermelden7 - en dat in zijnen hoofde “een zekere wwelwillende en begrijpende belangstelling” t.a.v. het communisme niet kan ontkend worden.8 Mocht dit laatste kloppen, dan is die belangstelling m.i. een rechtstreeks gevolg van de impact van de Clarté-groep. 

Doch niet die ideologische inversie staat hier centraal, wèl de vraag of Sorel Joris van Severen beïnvloed heeft, zoals Hermans suggereert. Het is geen retorische vraag, want Sorels geschriften en ideeën hebben een grote resonantie gehad. Percy Wyndham Lewis (1882-1957), de Engelse avant-gardistische schilder, dichter, essayist en vader van het vorticisme9, getuigde anno 1926 in een toen veel gelezen werk: Sorel is the key to all contem-porary political thought.10 Bijna vijf decennia geleden bevestigde Armin Mohler (1920-2000) deze zienswijze: “Er (sc. Sorel) ist zweifellos derjenige Franzose, der in den verflossenen achzig Jahren den tiefsten geistigen Ein-fluss auf die Welt ausübte - auch wenn dieser Einfluss oft seltsame Umwege ging.”11

Wat Van Severen betreft vindt men de enige indicaties waarover we beschikken in de gedrukt voorliggende ingekorte versie van de licentiaatverhandeling die Luc Pauwels (°1940) anno 1998 aan de KUL verdedigde en die door de jury ad hoc hoog gequoteerd werd: citaten uit Combat en de aanwezigheid in Van Severens bibliotheek van enkele werken van en over Sorel.12 Volstaat zulks om van invloed te mogen gewagen? Ik betwijfel het. Volgens mij is een indicatie nog lang geen bewijs. Er zou moeten worden nagegaan of Sorels interpretatie van het begrip mythe, van de rol van het geweld e.a.m., in voordrachten en/of teksten van Van Severen aantoonbaar is.

Het spreekt vanzelf dat die redenering ook opgaat voor Valois en Clarté. Dankzij L. Pauwels weten we dat Valois tot zijn lievelingsauteurs behoord heeft13, maar is een echo van die belangstelling in Van Severens geschriften terug te vinden? Clarté vertoonde internationale allures en had niet enkel in Belgische Franstalige14 doch evenzeer in Antwerpse middens aanhangers.15 Dixit Hermans vond Van Severen het gelijknamig tijdschrift “sympathiek”.16 Maar andermaal rijst het probleem of het al dan niet bij vrijblijvende curiositeit gebleven is. Afgaande op de bevindingen van Kurt Ravyts (°1968) blijkt zulks niet het geval te zijn geweest.17

Summa summarum: moge een jonge vorser zich over deze boeiende problematiek ontfermen!17 Meer zelfs, moge hij het te bestuderen veld verruimen, door rekening te houden met strekkingen en namen die Rudy Pauwels (°1932) citeert!18

Noten

1 W. Hermans, De Avondland-Idee & Vlaanderen, Turnhout, Drukkerij Lityca, 1927, 117 p., n° 1 in de reeks ‘Vragen van dezen tijd’.

2 (a) W. Hermans, Bestiarium van de literatuur. Een halve eeuw literair-politiek engagement, in: De nieuwe Dag, 3ejg., nr. 11, april 1967, pp. 38-41. De titel is voorzeker ontleend aan deze van een boek uit 1920 vol parodieën (bijna uitsluitend) van de hand van Franz Blei (1871-1942): Das grosse Bestiarium der Literatur (heruit-gave bezorgd door Rolf-Peter Baacke), Hamburg: Europaische Verlagsanstalt, 1995, 418 p.

(b) Over het maandblad, vgl. Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging, deel 2 = G-Q, p. 2204.

3 W. Hermans, art. cit. (vt 2 punt a), p. 38 resp. p. 40.

4 W. Hermans, art. cit. (vt 2 punt a), p. 39.

5 Voor nadere bijzonderheden, vgl. Jean Pierre Faye (°1925), Langages totalitaires. Critique de la raison! Critique de I’économie narrative, Paris, Hermann, 1972, VIII-771 p. Voor een grondige kritiek van dit opus, vgl. mijn studie J.P. Faye’s critiek van de narratieve economie, pp. 13-6 1 in: P. Tommissen, Anti-totalitair denken in Frankrijk, Brussel: EHSAL, 1984, 155 p., n° 55-56-57 in de reeks ‘Eclectica’.

6 Tijdens Wereldoorlog I werd door Henri Barbusse (1873-1935) en enkele vrienden een internationaal tijdschrift geconcipiëerd en op 22 juli 1916 in de (communistische) krant L’Humanité in het door talrijke literatoren ondertekend manifest ‘Contre la paix injuste’ aangekondigd. Inderdaad verscheen op 11 oktober 1919 het eerste nummer van Clarté. - Bulletin français de l’ Internationale de la pensée. Dit bulletin (of zo men wil: deze krant) moest de plaats ruimen voor een heus tijdschrift met dezelfde naam doch zonder de ondertitel; het werd uitgegeven door Barbusse en Paul Vaillant-Couturier (1892-1937) en verscheen voor het eerst op 19 november 1921 als een ‘revue de critique communiste’. Drie jaar lang ijverden de medewerkers voor een Westerse revolutie volgens het Russisch model en kantten zich tegen de cultuur en de waarden van de Westerse bourgeois. Van 1924 af maakten literaire en artistieke avant-gardegroepen de dienst uit. Clarté hield in december 1927 op te bestaan.

7 L. Pauwels, De ideologische evolutie van Joris van Severen (1894-1940). Een hermeneutische benadering, leper, Studie- en Coördinatiecentrum Joris van Severen, 1999, 272 p., Jaarboek’ 3 van dat centrum; cf. p. 164 en p.2l6.

8 V. Eggermont, Ter Waarheid, aanzet tot een inhoudsanalyse, pp. 23-40 in: Gedenkboek Joris van Severen 1894-1994, Aartselaar: Nationaal Studie- en Documentatie-centrum Joris van Severen, 1994, 352 p.; cf. p. 38.

9 VgI. o.m.: Wyndham Lewis et le vorticisme. Paris, Centre Georges Pompidou. 1982. 188 p., in de reeks ‘Cahiers pour un temps’

10 W. Lewis, The Art of Being Ruled. Santa Rosa, Black Sparrow Press, (1926) 1989 (een door Reed Way Dasenbrock bezorgde voorbeeldige heruitgave), 463 p., cf. p. 119.

11 A. Mohler, Die französische Rechte. Vom Kampf um Frankreichs Ideologienpanzer. München, Isar Verlag, 1958, 86 p., nr 3 in de reeks ‘Konservative Schriften-reihe’; cf. p. 44.

12 L. Pauwels, op. cit. (vt 7), p. 164 en 216.

13 L. Pauwels, op. cit. (vt 7), p. 199 en p 239. Op p. 217 vernemen we voorts dat zich in de bibliotheek 15 werken van Valois bevonden.

14 De spilfiguur was niemand minder dan Paul Colin (1890-1943)! Vgl. o.m. Ernst Leonardy, Die internationale Debatte um den Pazifismus im Rahmen der ‘Clarté’-Bewegung 1919-1921. Beiträge aus Frankreich, Deutschland und Belgien, pp. 155-189 in: E. Leonardy en Hubert Roland (eds.), Deutsch-belgische Beziehungen im kulturellen und literarischen Bereich 1890-1940, Frankfurt a.M., Lang, 1999, 289 p., nr. 36 in de reeks ‘Studien and Dokumente zur Geschichte der Romanischen Literaturen’; cf. pp. 175-179: Paul Colin als Vermittler deutscher Kultur an die Romania und als Propagandist der ‘Clarté’-Bewegung in Deutschland.

15 1k denk o.m. aan het door RogerAvermaete (l893-1988) e.a. in Antwerpen uitgegeven tijdschrift Lumière. Cf. R. Avermaete, L’aventure de ‘Lumière’, Brussel, Arcade, 1969, 187 p.

16 W. Hermans, art. cit. (vt 2 punt a), p. 39.

17 K. Ravyts, Joris van Severen en de avant-garde in de spiegel van ‘Ter Waarheid’ (1921-1924), pp. 45-63-74: 3. De invloed van Paul Colins l’Art Libre.

18 R. Pauwels, Organisch solidarisme. Corporatisme: toen, in deze Nieuwsbrief Joris van Severen, 6e jg., 3e trimester 2002, pp. 15-21 (cf. vooral pp. 18-19).

mercredi, 01 octobre 2008

Movimiento de juventud e ideologia nacional revolucionaria bajo la republica de Weimar

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MOVIMIENTO DE JUVENTUD E IDEOLOGIA NACIONAL REVOLUCIONARIA BAJO LA REPUBLICA DE WEIMAR

Desde los años 1924/25 hasta las elecciones legislativas de Septiembre de 1930 que proyectaron bruscamente al primer plano al partido nacional socialista, el militantismo nacionalista estaba representado principalmente en Alemania por los grupos paramilitares (Wherverbände) herederos de los cuerpos francos, y por las ligas de juventud (Bund) (1). Bajo el efecto de la crisis económica los elementos más radicales de esos grupos y de las ligas evolucionaron hacia el nacional socialismo revolucionario (tendencia Strasser) o el nacional bolchevismo, mientras que los otros (es decir la mayoría de los miembros y jefes de las ligas) buscaron acomodamiento en el sistema creando nuevos partidos como el Partido del Estado Alemán (surgido de la fusión del Partido Demócrata y de la Joven Orden Alemana de Arthut Mahraun) y el Partido popular Conservador (formado por los social cristianos y elementos surgidos del partido de extrema derecha DNVP) intentando en vano hacer de ellos instrumentos validos de la renovación de Alemania.

 

EL SOCIALISMO BUNDISCH

Los miembros de las ligas de juventud optaban por el socialismo bündisch, variante del "socialismo alemán" al cual se unieron numerosos medios socio profesionales y grupos políticos de la Alemania de Weimar. El socialismo Bündisch estaba bastante cercano al "socialismo soldadesco" que profesaban sus mayores de los grupos paramilitares. En ambos casos, el socialismo era lo mas importante en el grupo, no solo en el Bund o en el grupo militarizado sino también en el Volksgemeinschaft (la comunidad del pueblo) al que sirve el Bund y en el que esta inserto (2). Mientras que el socialismo soldadesco de los mayores se basaba en la experiencia de la guerra y la camaradería del frente, el socialismo bündisch de los mas jovenes se apoyaba en la experiencia de las excursiones a través de Alemania, en contacto con el pueblo alemán, sobre la experiencia comunitaria de la liga y la camaradería vivida en su seno. Con la crisis y la radicalización creciente de la juventud de las ligas el socialismo bündisch se transforma en un socialismo nacional revolucionario favorable a la nacionalización total o parcial de los medios de producción y a la autarquía alemana y centro europea.

 

EL DESAFIO HITLERIANO

Tras el acceso de Hitler al poder, las principales ligas de juventud (excepción hecha de los moderados, sobre todo del importantisimo "Deutsche Freischar") se unieron en marzo de 1923 en la Grossdeutsche Jugenbund bajo el patronazgo del almirante Von Trotha, próximo al presidente Hinderburg. Esperaban así escapar a la sincronización (Gleiehschaltung), es decir, a su disolución e integración en la Juventud Hitleriana. Por su parte, las ligas mas duras, las mas volkisch (para las que Volk era sinónimo de raza) y al mismo tiempo las críticas con respecto al hitlerismo (al que juzgaban desde un punto de vista nacional bolchevique) se reagruparon en una bündisch para el servicio de defensa del trabajo y las fronteras) bajo la presidencia de un troskista del nacional socialismo, el Dr. Kleo Pleyer (3).
Pese a todos sus esfuerzos las ligas de juventud fueron disueltas tras el verano de 1933. Sus miembros entraron entonces masivamente en la juventud hitleriana y en el Deutsche Jungvolk que reagrupaba a los elementos mas jovenes de la HJ para continuar sus actividades y promover el espíritu bündisch. Los mayores, (próximos a Friedrich Heilcher) entraron en las SS y la Ahnenerbe (Herencia de los antepasados, sector de las SS especializado en la investigación científica, particularmente la histórica y prehistórica). Otros, (los estraserianos bajo la dirección de Heinz Gruber) prefirieron entrar en el Frente del Trabajo a fin de acentuar la orientación socialista. Finalmente, el Dr. Werner Haverbeck intenta reagrupar en una organización, la Reichsbund Volstum und Heimat, asociación satélite del KdF (Kraft durch Freude, Fuerza por la alegría) a la juventud de espíritu bündisch, organización está que llegará a contar con un millón de miembros (4).

 

COMIENZA LA REPRESION

Bajo la presión de Baldur von Schirach, jefe de la juventud hitleriana, que temía ver su autoridad sobre la juventud alemana contestada, se abate la represión sobre los antiguos líderes bündisch, algunos fueron excluidos de la HJ (Werner Lass)(5), otros fueron arrestados (Heinz Gruber)(6), (Robert Oelbermann)(7) o forzados al exilio ( Eberhard Koebel (8), Fritz Borinski (9), Hans Ebeling (10), Karl Otto Paetel (11) etc ), otros finalmente fueron asesinados (Karl Lamermann) (12) durante la noche de los cuchillos largos. El Reichbunde de Haverbeck fue disuelto.
Pese a cuatro prohibiciones sucesivas (en 1933, 1934, el 6 de febrero de 1936 y el 13 de mayo de 1937) y la incorporación obligatoria de los jovenes alemanes en la juventud hitleriana decidida en 1936 y aplicada de hecho en 1939, algunas ligas continuaron sus actividades en Alemania en la clandestinidad. Ese fue el caso de la DJ.1.11. fundada por Tusk en 1931 (13) unida a Karl Otto Paetel y Otto Strasser ambos igualmente en el exilio (Helmut Hirsch, miembro de la DJ.1.11. fue condenado a muerte el 4 de junio de 1937 y colgado en Plötzensee); fue también el caso del "Nerother Wandervögel" (14) y del Jungnationaler Bund Deutsche Jungenschaft (15) desmantelado en 1937 y cuyos jefes serán torpemente condenados en el proceso de Essen.
Si algunas ligas pudieron sobrevivir en la clandestinidad otros grupos nuevos aparecieron, bandas de adolescentes que rechazaban la integración en la HJ y la militarización de la HJ (16). Algunas de esas bandas imitaban los modos occidentales y prefiguraban ya las bandas de la postguerra, otras profesaban un cristianismo moralizador y constituían la supervivencia de las organizaciones de juventud cristianas, otras renovaban el ideal romántico del Wandervögel. Entre esos nuevos grupos el más conocido fue sin duda "Die Weisse Rose"" de la que algunos de sus miembros habían pertenecido a las ligas de juventud. Los jovenes bündisch y sus émulos no fueron los únicos en resistir al "fascismo" hitleriano, hay que citar también la resistencia de los jóvenes comunistas en el medio obrero y de los jovenes católicos en Renania y Baviera. Mientras que los primeros se apoyan sobre la infrastructura clandestina del partido comunista alemán, los segundos lo hacen sobre el concordato firmado en 1933 entre Hitler y el Papa.

 

EL IDEAL BUNDISCH EN EL EXILIO

El ideal bündisch progresivamente sofocado en Alemania se mantiene en el exilio extranjero. Otto Strasser suscita la creación de un "ring bundischer Jugend" que se integra en su Deutsche Front gegen das Hitler system (Frente alemán contra el sistema hitleriano). En París, una revista antifascista controlada por los comunistas ve la luz bajo el título de "Frei Deutsche Jugend" (este nombre había designado entre 1913 y 1923 a una fracción del movimiento de juventud independiente y designara tras la segunda guerra mundial a la organización juvenil de la RDA). Karl Otto Paetel editaba primero en Estocolmo, luego en Bruselas y finalmente en París las "Schriften der Jungen Nation" y las Blatter des sozialistichen Nation" (difundidas en Alemania por las hermanas Silieva, miembros de la DJ.1.11. de Berlín). En Bélgica, Hans Ebeling y Theo Hespers fundan en 1935 el "Arbeitgemeimschaft Bundischer Jugend" al que se adhieren Paetel, Tusk, la revista "Frei Deutsche Jugend", etc... y que da nacimiento al "Deutsche Jugend Front". Este frente de la juventud estaba ligado a grupos neerlandeses, belgas y británicos. Había nacido de la voluntad de reagrupar a toda la juventud alemana de oposición. Pero esta tentativa fracasa a causa de las maniobras comunistas y de la falta de cohesión de esos jovenes opositores. Ebeling y Hespers que no desfallecían crearon entonces la revista "Kameradschatf" de 1937 a 1940.

 

HANS EBELING Y THEO HESPERS

El facsimil de la revista "Kameradschatf" (Camaradería) constituye un importante testimonio sobre la resistencia de la juventud bündisch al estado hitleriano y del proyecto de estado y sociedad que estaba opuesto al fascismo. Esta revista de lengua alemana editada en Bélgica era distribuida clandestinamente en Alemania. Sus fundadores Hans Ebeling y Theo Hespers eran dos antiguos jefes de las ligas de juventud en el exilio. El primero, nacido en 1897 en Krefeld había tomado parte en la primera guerra mundial (de la que salió con el grado de teniente); en los combates de 1920 (Renania), en las filas de la Reichwehr provisional y en la resistencia contra las tropas de ocupación francesas en el Ruhr. Poco después se une al "Jungnationaler Bund" del que se separó en 1924 para fundar la "Jungnationaler Bund Deutsche Jungenschaft" mas activista y radical que evoluciona pronto hacia el nacional bolchevismo. A partir de finales de 1929 y hasta Enero de 1933 Ebeling dirige con el profesor Lenz la revista "Der Vorkampfer" (17). Theo Hespers, nacido en 1903 entra a los catorce años en la organización de juventud católica "Quickborn" a la que pertenece hasta 1927. Participa también en la resistencia pasiva contra la ocupación franco belga del Rhur. Se adherirá seguidamente a la "Vitus heller Bewegung" (18) y dirigirá la "Pfadfinderschaft Westmark" que constituirá junto con la liga de Ebeling, la de Werner (Freischar Schill) y la joven liga prusiana de Jupp Hoven, el "Comité de lucha de los grupos nacional revolucionarios de la marca occidental en Renania".

 

EL "BUND", ALTERNATIVA A LOS PARTIDOS Y AL PARTIDO UNICO

"Kameradschatf" era la tribuna de los jóvenes opositores al hitlerismo. Los jóvenes nacionales", "jovenes socialistas", "jóvenes católicos" y "jóvenes protestantes" se expresaban en Kameradschatf y en ella se afirmaban bündisch, nacionalistas volkisch y gran alemanes, cristianos, demócratas y socialistas.
Para ellos, el Bund constituía un modelo político, modelo de una "democracia a la alemana" fundada sobre el duo Fuhrer Gefolgschaft (el fuhrer carismático al servicio de la idea, libremente elegido y sometido a la permanente aprobación del grupo, siendo solo un "primus inter pares"). Oposición al Bund a los fallidos partidos de la democracia weimeriana y al partido único de la dictadura hitleriana. El Bund era también un modelo social fundado sobre la Camaradería (Kameradschatf) opuesta a la Schadenfreude hitleriana, un modelo de integración del individuo y de socialización fundada sobre el entusiasmo, un modelo de educación política y el modelo mismo de la comunidad de combate revolucionaria formada por la juventud activista alemana, enemiga de Weimar y después del hitlerismo.
Para los colaboradores de "Kameradschatf" que insistían particularmente sobre el papel jugado por el Bund en materia de educación política y para los que el hombre bündisch era el hombre político por excelencia enteramente dedicado al servicio del Estado del pueblo, el estado hitleriano aparecía como una dictadura de elementos pequeño burgueses apolíticos (asociados a una Reichwehr politizada pero tímida ante toda responsabilidad política). la liquidación política, a veces incluso física, bajo el III Reich del activismo nacionalista (grupos paramilitares y ligas de juventud) considerado como peligroso para los nuevos señores de Alemania, les parecía a este respecto revelador (19).

 

REDEFINIR LA VOLKGEMEINSCHAFT

Los nacionalistas volkisch tomaban la defensa del pueblo y del Volkstum pero rechazaban el imperialismo neo alemán de los hitlerianos, en el espíritu de los colaboradores de "Kameradschatf" el nacionalismo volkisch se consagra a defender la independencia y el Volkstum de todos los pueblos. Defendían igualmente a los Volkgenos contra la explotación capitalista que aun perduraba y contra el arbitrio del Estado hitleriano, predicaban la constitución de un verdadero Volksgemeinschaft (comunidad del pueblo) sin relación con la susodicha volkgemeinschaft producto de la dictadura policial y de la masificación hitleriana, la constitución de esta "verdadera" volkgemeinschaft necesitaba a sus ojos un nuevo orden socio económico (socialista) que pusiese fin al orden de clases nacido del capitalismo y una reorientación espiritual (volkisch) de esencia cristiana que combatiría el desarrollo materialista de la época (20).
Como Otto Strasser, oponían la tradición gran alemana fundada sobre el rechazo dualismo austro prusiano, en el que se situaban, al pangermanismo.
Rechazaban la economía capitalista fundada sobre el provecho así como la economía de guerra y la "anarquía burocrática" (simbiosis esta que realizaba a la perfección la Alemania hitleriana) las cuales pretendían substituir por un Plan (alemán primero y europeo después). Preconizaban en el marco de ese plan una economía destinada a satisfacer las necesidades del pueblo, la nacionalización de las industrias clave que rompiera el poderío del gran capital y el reparto de las grandes propiedades agrícolas y finalmente la constitución de cooperativas en todos los ámbitos de las actividad económica.

 

LA TRADICION LIBERTARIA DEL WANDERVOGEL

La redacción de Kameradschatf se declaraba heredera de dos tradiciones:
1) la del movimiento de juventud independiente, sobre todo de la "Juventud alemana libre" nacida del reencuentro del Hohe Meissner de 1913.
Contra el mundo paternalista (Vatenvelt) el movimiento de juventud había afirmado su fidelidad a los padres originales, a los ancestros (Vorvater) (21). Contra la tutela de las instituciones (escuela, iglesia, familia) y la sociedad burguesa reivindica la independencia y acoge en su seno jovenes líderes. Contra el estado Wilhelmiano y el chauvinismo burgués afirma su amor al Volk (22). Contra la gran ciudad el movimiento de juventud había propuesto el "Wandern", la excursión a través del país alemán (La Alemania profunda) y el contacto del Volk alemán auténtico. Contra la religión revelada el movimiento juvenil intenta despertar una religiosidad germánica. Contra el tabaquismo y el alcoholismo que condena, contra la degeneración física, exalta la fuerza física y la belleza nórdica (pintada por el dibujante Fidus) practicando la gimnasia y el nudismo.
Finalmente, tras la prueba de la gran guerra el movimiento de juventud había desembocado en las ligas surgidas en 1924/25 de la fusión de los grupos scouts disidentes y del Wandervögel y la juventud alemana libre (1919).

LA TRADICION DE LOS CUERPOS FRANCOS

2) La de los cuerpos francos que en 1919 formaron la Reichwehr provisional antes de convertirse en enemigos de este ejercito salido de las cláusulas militares de Versalles (que revivieron las tradiciones nobiliarias del ejercito imperial poniendo así termino a la democratización del Ejercito y sobre todo del cuerpo de oficiales, provocado por la gran guerra y sus consecuencias) y la de los grupos paramilitares nacional revolucionarios que suceden a los cuerpos francos y que hacen frente a la Reacción encarnada por los industriales y terratenientes, los generales de la Reichwehr y los políticos de la derecha.
Pese a la originalidad del enfoque dado por la revista (interpretación que se acercaba en ciertos aspectos a la "teoría del totalitarismo"), "Kameradschatf" retomaba contra el hitlerismo ciertas críticas formuladas anteriormente por sus predecesores de los cuerpos francos de los grupos paramilitares con respecto a Weimar (y sobre todo de la Reichwehr asociada al poder hitleriano).

 

LOS VINCULOS DE LA "BUNDISCHE" EN EL EXILIO CON LOS "INCONFORMISTAS" Y LOS PLANISTAS FRANCESES

Además de esa filiación evidente entre el movimiento de juventud alemán, los Cuerpos Francos, grupos paramilitares y Kameradschatf, se constaba un extraño parentesco entre las ideas de la juventud bündisch tal y como se expresaba en "Kameradschatf" y la de los jovenes no conformistas franceses de los años treinta que se adherían a las palabras de orden patrióticas y federalistas, personalistas y comunitarias, planistas y corporativistas.
Habían existido contactos entre los representantes de las ligas de juventud alemanas y grupos no conformistas franceses Harro Schulze Boyssen (antiguo militante de la "Orden Joven Alemana" que más tarde debía jugar un importante papel en la "orquesta roja", director de "Planner", el equivalente alemán de la revista francesa "Plans" dirigida por Philippe Lamour, fue con Otto Abetz uno de los delegados alemanes en el frente único de la juventud europea, creada por iniciativa de los grupos franceses "Plans" y "Ordre Nouveau" (23). Por su parte, Ordre Nouveau mantiene contactos bastante estrechos con Otto Strasser, el grupo constituido por la revista "Die Tat" y sobre todo la revista "Der Gegner" (El adversario) (a la que Louis Dupeux consagra un capitulo de su tesis sobre el nacional bolchevismo) animado por Harro Schulza Boyssen y Fred Schmid, fundador y jefe de la Liga "El cuerpo gris" escisión de la "Deutsche Freischar" (24). Pero los contactos personales no bastan para explicar una tal convergencia: lo que acercaba a los mejores elementos de la juventud alemana y la francesa era el común rechazo del liberalismo y del totalitarismo y una aspiración común a una evolución espiritual (o si se prefiere cultural) política y socio económica.

Thierry Mudry.

NOTAS
1) Durante los cuatro o cinco años de la breve prosperidad de Weimar y sobre todo entre 1925 y 1927, el primer plano en materia de activismo ultra nacionalista está unido a las ligas o asociaciones paramilitares (Wehrverbande). Estas ligas surgían generalmente de los cuerpos Francos de la inmediata postguerra, aunque cada vez en mayor grado reclutaban sus miembros en el movimiento de juventud "burgués" (Louis Dupeux. Estrategia comunista y dinámica conservadora. Ensayo sobre los diferentes sentidos de la expresión "nacional bolchevismo" en Alemania bajo la república de Weimar (1919/33). Libreria Honoré Champion, París 1976, pag 294/5.)
2) "El Bund es el vigor del vinculo comunitario opuesto al individualismo anarquizante del antiguo Wandervögel, el acento es puesto sobre el grupo (lo que permitirá hablar de un socialismo bündisch) pero también sobre la jerarquía, la selección de los miembros y la libre designación de los "jefes". Es, a fin de cuentas la educación de una élite destinada a dirigir y a servir a Alemania al término de una revolución cultural; es la imagen misma en miniatura de esta nueva Alemania" (L. Dupeux, idem pag 335).
3) Ver Hans Chritian Brandenburg, Die Geschichte der J. Verlag Wissenchaft n. Politik, Köln 1982. pag 137 y 139.
4) Ver Hans Ch. Brandemborg. idem. pag 194/5.
5) Werner Lass: fundador y jefe de la "Freischar Schill" organización secreta de los Erdgenossen los conjurados .
6) Heinz Gruber: fundador y jefe de la Schwenze Jungmanschaft, disidente social revolucionario de la Juventud Hitleriana y parte integrante del Frente Negro de Otto Strasser.
7) Robert Oelbermann: fundador y jefe del "Nerother Wandervögel".
8) Eberhard Koebel (Tusk fundador y jefe de la DJ.1.11. disidente de la importante "Deutsche Freischar".
9) Fritz Borinski: uno de los dirigentes de la Deutsche Freischar, social demócrata.
10) Hans Ebeling: fundador y jefe del "Jungnationaler Bund Deutsche Jungenschaft".
11) Karl Otto Paetel: fundador y jefe del "Gruppe Sozialrevolutionarer Nacionalisten".
12) Karl Lamermann. dirigente de la Deutsche Freischar.
13) Sobre la DJ.1.11. y Tusk conviene leer a Hans Kraul. "Der jungenschafer ohne Fortune. Eberhard Koebel (Tusk) erlebt und biographisch erarbeitt von einem Weiner Gefahrten", Dipa Verlag, Frankfurt am Main 1985. , y a Helmut Gran "DJ.1.11.: Struktur und Wandel eines subkulturelles jugendlichen Miliens in vier Jahrzehnten", Dipa Verlag, Frfrt., 1976. Estas dos obras han sido recesadas en Vouloir nº 28/29. Mayo de 1986.
14) Sobre el "Nerother Wandervögel" hay que leer a Stefan Krolle, "Bundische Umtriebe. Die Geschichte des Nerother Wandervögels vor und unter dem NS Staat, Ein Jugendbund zwischen Konformität und Widerstand, Lit Verlag, Munster 1985.
15) Ver mas adelante.
16) Sobre estos nuevos grupos ver: Fritz Theilen. "Edelweisspiraten". Fischen Taschenbuch Verlag. Frankfurt an Main 1984.
17) Hans Ebeling participa en campañas de otros dirigentes bündisch (Werner Lass y Karl Otto Paetel sobre todo) en los encuentros de Freusburg (Agosto de 1927) y de Ommen en Holanda (Agosto de 1928) destinados a preparar la fundación de una liga mundial por la paz. Esos encuentros internacionales tras los cuales los jovenes jefes bündisch establecieron contactos con representantes de la extrema izquierda y los pueblos colonizados, aceleraron la radicalización de las ligas de juventud (señalemos que Hans Ebeling, Werner Lass y Karl Otto Paetel se convirtieron seguidamente en figuras del nacional bolchevismo) y determinaron a Ebeling a fundar con el profesor Lenz en Enero de 1930 la revista "Der Vorkampfer" de orientación ultranacionalista y anti capitalista (El Vorkampfer adaptaba elementos de análisis marxista, anti imperialista y prosovietico.
18) El movimiento de Vitus Meller al que pertenecía Theo Espers, era el único movimiento nacional bolchevique cristiano (los otros eran indiferentes en materia religiosa o practicaban un ateismo agresivo o se pronunciaban por un neo paganismo germánico) implantado en el medio católico (aún como muestra L. Dupeux el nacional bolchevismo era un fenómeno mayoritariamente "protestante" nada extraño ya que se vinculaba a la tradición de Arminius, Witukind y Lutero lo que no impedía a la católica Renania, región frontera sensible a las tesis nacional alemanas, ser con Berlín y Franconia una plaza fuerte del nacional bolchevismo).
19) "Kameradschatf" consagra con amplios artículos a los procesos contra el "Jungnationaler Bund, Deutsche Jungenschaft" y contra Niekisch y los "camaradas Eberhard".
20) Los nacional socialistas revolucionarios de Otto Strasser y los nacionalistas social revolucionarios de K.O. Paetel defendían el mismo punto de vista (en el aspecto espiritual mas pagano germánico que cristiano).
21) Ver: J. Pierre Faye. Lenguajes Totalitarios Hermann, París 1973, pag 22. Hay traducción española en Taurus.
22) Para G. Mosse, el movimiento de juventud independiente era indiscutiblemente "volkisch" pero su nacionalismo se oponía al nacionalismo wilhelmiano oficial imperialista y chauvinista. Su nacionalismo fundado sobre el Volk y no sobre el Estado, en lugar de ser agresivo y expansivo era intensivo e introvertido (G. Mosse, The Crissis of German Ideology, Schoken Books, N.Y. 1981. pag 179.
23) Ver: J. Louis Laubet del Bayle. Los no conformistas de los años treinta. Seuil, París 1969 pag 98.
24) J. L. Loubet del Bayle. idem. pag 113.

mardi, 23 septembre 2008

L'oeuvre de Douguine au sein de la droite radicale française

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L'oeuvre de Douguine au sein de la droite radicale française

 

Travail Universitaire à lire avec quelques circonspection, mais digne d'intérêt

cf. : http://www.diploweb.com/L-oeuvre-de-Douguine-au-sein-de-l...

mardi, 12 août 2008

De la contestation mondiale bobo-docile et du souverainisme de libération

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De la contestation mondiale bobo-docile et du souverainisme de libération

http://rebellion.hautetfort.com/


"Si le mouvement national contemporain ne veut pas se contenter de rééditer les anciennes tragédies amères de notre histoire passée, il doit se montrer capable de s’élever au niveau des exigences de l’heure présente". James Connolly (1868-1916), fondateur de l’Irish Republican Socialist Party


"Donnez-moi un point d’appui et un levier et je soulèverai la Terre." Archimède


"Pensez-vous tous ce que vous êtes supposés penser ?"


"Ce que nous devons conquérir, la souveraineté du pays, nous devons l’enlever à quelqu’un qui s’appelle le monopole. Le pouvoir révolutionnaire, ou la souveraineté politique, est l’instrument de la conquête économique pour que la souveraineté nationale soit pleinement réalisée". Ernesto Guevara.


À chaque époque, ses contradictions. L’une des contradictions majeures de notre temps, se déroulant dans la pratique sociale et politique, se présente sous la forme d’une lutte à mort entre les puissances convergeant vers l’homogénéisation planétaire et les mouvements résistant à ce processus. Largement utilisés depuis les années 1980, les termes de mondialisation et de globalisation traduisent l’action des puissances homogénéisantes.


Qu’est-ce que la mondialisation ? L’intégration croissante des économies dans le monde, au moyen des courants d’échanges et des flux financiers. Elle se définit par les transferts internationaux de main-d’oeuvre et de connaissances, et les phénomènes culturels et politiques que ceux-ci engendrent. Les principales caractéristiques en sont : la concentration de la production et du capital sous forme de monopoles ; la fusion du capital bancaire et industriel ; l’exportation massive des capitaux ; la formation d’unions transnationales monopolistes se partageant le monde ; la fin du partage territorial du monde entre les puissances capitalistes.


La mondialisation actuellement en oeuvre est une forme avancée de l’impérialisme capitaliste apparu au début du XXe siècle. Étant donné ses conséquences constatables et prévisibles (mort des cultures, disparition des particularismes, avènement du positivisme néo-kantien bêtifiant, anéantissement de la pensée critique, massification, dressage cognitif, crises économiques et guerres récurrentes, désintégration des religions occidentales et moralisme morbide subséquent, etc.), la mondialisation apparaît, à sa limite, comme un "holocauste mondial", ainsi que l’a définie Jean Baudrillard.


Du côté de la résistance organisée et spectaculaire - les mouvements altermondialistes et antiglobalisation qui défilent dans les médias - règne la confusion la plus grande. L’ambiguïté de la critique qu’ils adressent à la mondialisation et la limite des solutions qu’ils proposent se révèlent patentes si on les passe au tamis d’une critique impartiale. Pétris de bonnes intentions (remarquons à leur actif un notable appel à voter non au référendum sur le Traité européen), les altermondialistes sont aussi, au fond, les meilleurs alliés de la mondialisation capitaliste.



La diversion altermondialiste


D’abord, les altermondialistes sont des gestionnaires, et non des critiques radicaux. José Bové s’en vante : "A Seattle, dit-il, personne ne brandit le drapeau rouge de la révolution chinoise, ni le portrait du Che, ni la victoire révolutionnaire dans un pays devant bouleverser les autres ; c’est bien fini et c’est porteur d’espoir".


Les altermondialistes vitupèrent en effet le capitalisme, mais n’ont en fait nulle intention de le renverser. Ils désirent seulement l’amender. La taxe Tobin, le prélèvement qu’ils veulent instaurer sur les transactions spéculatives, ne s’attaque en réalité qu’à une infime partie de la spéculation et cache le fait que la crise du capitalisme ne porte pas uniquement sur la spéculation mais sur l’ensemble du capitalisme. La crise générale du capitalisme a pour trait distinctif l’accentuation extrême de toutes les contradictions de la société capitaliste. Et ces contradictions sont aujourd’hui portées à un point d’incandescence jamais atteint.


La campagne pour la suppression des paradis fiscaux, autre thème de campagne des altermondialistes, vise quant à elle à moraliser le capitalisme. Mais, à nouveau, la spéculation et les trafics financiers ne sont nullement la cause de la crise. Ils sont seulement la conséquence directe de l’impasse où est acculé le mode de production actuel. Aucune mesure de ce type n’empêchera jamais la crise de se poursuivre ni d’étendre ses ravages.


Au lieu de proposer une alternative efficace, les altermondialistes militent pour un système de redistribution à l’intérieur du capitalisme : les pays riches doivent partager leur richesse avec les pays pauvres, les patrons avec ceux qu’ils exploitent, etc. Ils espèrent ainsi qu’un capitalisme revu et corrigé sera porteur de justice, perpétuant l’utopie d’un capitalisme viable, à orienter dans un sens favorable. Pourtant, il n’y a pas de société "juste" dans le cadre du capitalisme dont l’essence conflictuelle nourrit des antagonismes en cascade. La seule réponse historique valable est de le dépasser, d’abolir le salariat en développant les luttes contre l’exploitation de la force de travail et les rapports capitalistes de production.


Les altermondialistes croient au soft-capitalisme, au capitalisme à visage humain, comme s’ils avaient lu l’oeuvre de Karl Marx avec les lunettes de plage d’Alain Minc. À l’instar de José Bové, avatar actuel de Proudhon, la plupart d’entre eux voudraient retourner au capitalisme de papa, celui des petits producteurs. Leur rêve est de freiner la concentration monopolistique par des institutions internationales qui superviseraient l’économie mondiale. Mais ils oublient que c’est la libre concurrence, constitutive du capitalisme, qui a depuis plus d’un siècle donné naissance aux monopoles mondiaux. C’est la libre concurrence qui a produit le monopole. C’est la libre concurrence du XIXe siècle qui a accouché de la dictature de deux cents multinationales du XXe siècle. Combattre la dictature des multinationales sans combattre en même temps la libre concurrence et le libre marché capitaliste qui les engendrent est un non-sens.


Comme le monopole, la mondialisation est contenue en germe dans le capitalisme : le capitalisme la porte en lui, c’est son produit inéluctable, sa déduction. Les multinationales, les délocalisations, comme les inégalités sociales et la flexibilité, sont les effets naturels de sa logique, le déroulement d’un processus autodynamique irréversible tant que l’on ne se décide pas à le subsumer.


Poussés par le besoin incessant de trouver des débouchés toujours nouveaux, les marchands ont envahi le monde entier. L’exploitation du marché mondial a du coup donné un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Déplorer le coeur sur la main "l’horreur économique" comme Viviane Forrester, scander "no logo" comme Noami Klein , hurler "le monde n’est pas une marchandise" ou manifester sous les murailles des forteresses de Big Brother pour que le monde capitaliste reparte du bon pied, ce n’est pas prendre le problème à la racine : c’est le décentrer. Couper les mauvaises herbes sans désherber, c’est leur permettre de repousser.


Le capitalisme est, par nature, une économie poussant à la mondialisation et à la marchandisation. Or tout est marchandisation en puissance, et puisque Dieu est provisoirement mort, il n’y a plus aucune limite humaine connue à l’expansion universelle de la marchandisation si on la laisse suivre son cours. Les marchands ont tout le temps devant eux, et ce ne sont pas les comités d’éthique officiels qui les empêcheront d’agir. Comme ces institutions spectaculaires nourrissent une pensée théologique coupée du terreau social, les marchands ont raison de prendre patience, car la théologie s’écroule toujours un moment donné de l’histoire, lorsque l’infrastructure la rend caduque.


Pour s’opposer concrètement à la marchandisation du monde, il ne suffit donc pas de minauder sur quelques-unes des conséquences annexes du Système, il faut dénoncer celui-ci dans son ensemble et en son fondement. Il importe en premier lieu de commencer par lui donner un nom, car "ce qui est censé être atteint, combattu, contesté et réfuté", comme disait Carl Schmitt, doit être nommé afin de viser la cible en son coeur : ici, il s’agit du mode de production capitaliste. Et il faut également proposer une alternative radicale, car nuancer, c’est considérer que la mécanique mérite de fonctionner, qu’il suffit de l’adapter et d’y incorporer de menus arrangements régulateurs : c’est au fond rester keynésien et marcher main dans la main avec MM. Attali et Fukuyama. "La compréhension de ce monde ne peut se fonder que sur la contestation, et cette contestation n’a de vérité qu’en tant que contestation de la totalité", écrivait Guy Debord.


Au temps où on évoquait (déjà) les États-Unis d’Europe, un révolutionnaire célèbre avait (déjà) remarqué que les gauchistes - ancêtres des altermondialistes - étaient les meilleurs alliés des opportunistes. Les gauchistes partagent en effet la vision de ceux qui veulent perpétuer le Système à la solde duquel ils vivent. Si l’ex-animateur du Mouvement du 22-Mars, Daniel Cohn-Bendit est devenu le meilleur allié de l’ancien cofondateur du mouvement atlantiste Occident, Alain Madelin, formant ainsi le noyau du libéral-libertarisme, ce n’est pas à cause d’une conjonction astrale fortuite : c’est parce que leurs destins convergents étaient inscrits dès l’origine dans leurs gènes idéologiques. Nous revivons cycliquement cette situation, aujourd’hui avec les altermondialistes, qui ne sont en somme que des antimondialistes de papier.


Les altermondialistes au service de l’oppression


Face la mondialisation du capital, on assiste à une mondialisation des résistances et des luttes. Seulement il ne s’agit pas de courants authentiquement antimondialistes - telle était leur dénomination première, et le changement de terminologie, opéré à leur instigation, est lumineux -, car ils militent de facto pour une "autre mondialisation", comme l’assure et l’assume François Houtart, directeur la revue Alternatives Sud. Susan George, présidente de l’Observatoire de la mondialisation se détermine, elle, en faveur d’une "mondialisation coopérative". Les chefs de file de l’altermondialisme médiatique se veulent ainsi des mondialistes. L’un des livres de Bové s’intitule Paysan du monde. Les altermondialistes revendiquent simplement l’avènement d’un mondialisme plus humain.


Du coup, et ce n’est pas un hasard, les voici réclamant l’avènement de la mondialisation des Droits de l’homme. Lorsque José Bové se rend Cuba, la première pensée qui lui traverse l’esprit, c’est qu’il y a "beaucoup de policiers dans les rues" et "des queues devant les magasins". Ce distrait vient d’oublier les quarante années d’embargo américain. Il aurait pu dire : "La mortalité due à la maternité est dix-sept fois plus basse à Cuba que la moyenne mondiale". Mais il est passé à côté, car il raisonne en métaphysicien, articulant des catégories fixes d’usage obligatoire dans un Système que de telles notions ont pour unique mission de soutenir. Il n’a pas compris que les Droits de l’homme sont devenus l’idéologie par laquelle les pays riches s’ingèrent dans les affaires des pays pauvres (hochet kouchnerien à vocation exterministe, depuis le Vietnam jusqu’à l’Irak, en attendant mieux). Et qu’au final, les Droits de l’homme sont devenus le cheval de Troie des oppresseurs d’aujourd’hui.


Comme l’a démontré Noam Chomsky, c’est en se fondant sur ces principes universels datant de la révolution bourgeoise que les États-Unis ont déclaré toutes leurs guerres depuis cinquante ans. Preuve éclatante de leur manque de logique, MM. Bové et ses amis ne se sont pas demandé qui ferait régner ces Droits précieux sur le monde, ni quelle puissance idéalement autonome parviendrait à lutter contre les diverses influences économiques et politiques pour les appliquer avec impartialité. Ni par qui serait élue cette autorité mondiale suprême. Ni comment elle gouvernerait. Ni quel parti ou quelle tendance de parti la dirigerait. Ni avec quelles forces armées elle se ferait respecter.


La tendance despotique de ce Léviathan serait, de plus, consubstantielle à son existence, puisque l’expérience a prouvé que plus un organisme est éloigné des individus qu’il encadre, plus son déficit démocratique est levé. On peut donc s’étonner que des anarchistes et des gauchistes soutiennent l’édification d’un tel monument d’oppression.


L’utopie des altermondialistes est donc totale. Ils croient en la vertu opératoire de la parole magique : "Monde, ouvre-toi !" , et le trésor des 40 voleurs nous sera acquis. Or le monde est un rapport de forces entre puissances économiques, et il ne suffit pas de vouloir avec détermination, ni de crier à tue-tête que les États-Unis, fer de lance de l’impérialisme, réduisent leur puissance pour que celle-ci décline dans les faits. Croire le contraire relève de la naïveté. Être naïf, c’est se payer le luxe d’être inopérant. Et tout mouvement inopérant encourage nolens volens la persistance du système qu’il prétend combattre.


La nation, comme foyer de guérilla


De glissement en compromis, d’accommodement en complicité objective, les altermondialistes reprennent ainsi dans leurs discours les arguments qui soutiennent le plus puissamment les intérêts des capitalistes. C’est-à-dire qu’ils s’inoculent à haute dose - et inoculent à ceux qui les écoutent - le virus qui justifie l’oppression, en retour.


Le mépris qu’ils affichent pour le fait national, auquel ils substituent un antiracisme formel, sentimental et terroriste, est à ce titre révélateur. Si les peuples désorientés par l’évolution actuelle et le dynamitage des frontières se jettent parfois dans les bras de partis qui semblent ici et là leur proposer un barrage provisoire au mondialisme, ce n’est pas, comme le prétendent les belles âmes de l’altermondialisme, parce qu’ils sombrent dans le fascisme, notion datée et dépassée. C’est d’abord parce que ces populations vivent au quotidien des situations dramatiques et déchirantes, et que nul ne leur propose un avenir digne d’être vécu, les altermondialistes moins que les autres, avec leur programme gauchiste de tabula rasa. C’est sur cette base qu’il faut édifier une réflexion.


A contrario, il est bien sûr parfaitement ridicule de prôner le raidissement identitaire comme solution-miracle. "Le repli sur la tradition, frelaté d’humilité et de présomption, n’est capable de rien par lui-même, sinon de fuite et d’aveuglement devant l’instant historial" écrivait Martin Heidegger. Le désir de rejouer le passé est vain, car "l’histoire ne repasse pas les plats", ainsi que le disait plaisamment Céline. Tout autre est l’affirmation d’une communauté nationale populaire vivante, une communauté de culture et de destin qui entend conserver son indépendance, sa volonté de puissance, sa capacité d’agir sur son avenir en puisant dans un héritage partagé, et qui offrirait la possibilité d’un contrôle populaire réel et conscient sur le pouvoir et l’expression libre des aspirations et des besoins.


La nation, catégorie historique du capitalisme ascendant, demeure en effet, contre de nombreuses prévisions, une réalité à l’époque du capitalisme déclinant. Elle devient même, selon la conception de Fidel Castro, un "bastion", un pôle de résistance révolutionnaire. La défense d’une communauté attaquée dans sa substance s’avère d’autant plus révolutionnaire que l’agression provient d’un système coupeur de têtes et aliénant. Le world-capitalisme a en effet intérêt à trouver devant lui des peuples désagrégés, des traditions mortes, des hommes fébriles et sans attache, disposés à engloutir son évangile standardisé. Ce qui freine la consommation de ses produits mondiaux, ce qui est susceptible de ralentir l’expansion de ses chansons mondiales formatées, de ses films mondiaux compactés, de sa littérature mondiale normalisée, doit disparaître, ou finir digéré dans ses circuits, ce qui revient au même. Le capitalisme est uniformisateur et l’arasement préalable des esprits encourage son entreprise uniformisatrice. Il ravage l’original, les particularismes, sauf ceux qui vont momentanément dans le sens qui lui profite.


Or la communauté, aspiration profonde des hommes, voit dans la forme nationale son actualité la plus aboutie. Passant pour les altermondialistes comme un résidu passéiste, une province pourrissante, un paradoxe historique au temps du cosmopolitisme triomphant, la nation conserve sa justification historique, a minima par le "plébiscite de tous les jours" qu’évoque Ernest Renan. Le patriotisme est un des sentiments les plus profonds, consacré par des siècles et des millénaires. Aujourd’hui, la nation conserve donc un contenu réel, qui, même s’il est épars et dilapidé, est à retrouver et à se réapproprier : "Délivré du fétichisme et des rites formels, le sentiment national n’est-il pas l’amour d’un sol imprégné de présence humaine, l’amour d’une unité spirituelle lentement élaborée par les travaux et les loisirs, les coutumes et la vie quotidienne d’un peuple entier ? ", disait Henri Lefebvre. L’étude du contenu national doit être au cour du programme d’un projet de renaissance.


Évidemment, la démocratie formelle n’a réalisé jusqu’ici qu’une pseudo-communauté abstraite qui frustre la plus grande partie du peuple, à commencer par les couches populaires (classe ouvrière et classes moyennes) sur qui pèse le fardeau le plus lourd. Car le Parlement, fût-il le plus démocratique, là où la propriété des capitalistes et leur pouvoir sont maintenus, reste une machine à réprimer la majorité par une minorité ; la liberté y est d’abord celle de soudoyer l’opinion publique, de faire pression sur elle avec toute la force de la money. La nation telle qu’elle doit être envisagée dans le cadre d’une pensée radicale ne peut qu’aller de pair avec le progrès social et l’alliance internationale avec les forces qui partagent cette ambition subversive totale. L’identité nationale doit être conçue comme une réorganisation sociale sur la base d’une forme élaborée de propriété commune, sous peine de nous ramener à un passé désuet, qui nous conduirait immanquablement au point où nous en sommes.


La nation doit être le cadre de l’émancipation, de l’épanouissement, et non une entité oppressive. C’est seulement comme instrument du progrès qu’elle conserve sa mission historique. Conception qui faisait dire à Lénine : "Nous sommes partisans de la défense de la patrie depuis le 25 octobre 1917 (prise du pouvoir par les bolcheviks en Russie). C’est précisément pour renforcer la liaison avec le socialisme international, qu’il est de notre devoir de défendre la patrie socialiste."


La souveraineté nationale - non pas le souverainisme libéral ou le national-libéralisme, des oxymores dont il faut apprendre à se dépolluer - constitue ainsi, dans le meilleur des cas (exemple frappant du Venezuela bolivarien de Hugo Chávez), un pôle vivant de résistance à l’homogénéisation, une structure servant d’appui à la contestation globale, un foyer possible de guérilla au sens guévarien du terme. Si elle s’intègre dans une lutte émancipatrice au plan national (engagement dans un processus anticapitaliste) et international (retournement des alliances, nouvelle forme d’internationalisme rationnel, et non abstrait ou mystique, c’est-à-dire avec des allés objectifs et partisans), elle ne peut plus être considérée comme un vulgaire sédatif aux luttes sociales, comme elle le fut un temps (le nationalisme bourgeois désunissant les ouvriers pour les placer sous la houlette de la bourgeoisie). Elle devient au contraire l’avant-garde de la radicalité. Sans l’autonomie et l’unité rendues à chaque nation, l’union internationale des résistants au Système (une fraternité, une collaboration et des alliances nouvelles qui ne sont pas à confondre avec la mélasse mondialiste) ne saurait d’ailleurs s’accomplir. C’est lorsqu’un peuple est bien national qu’il peut être le mieux international.


La nation ainsi comprise est tout l’inverse des duperies formalistes à fuir à tout prix : niaiserie sentimentale, chauvinisme étriqué version Coupe du monde, cocardisme sarkozyste à choix multiple, roublardise mystificatrice d’un Déroulède germanopratin digéreant mal l’oeuvre de Charles Péguy, crispation irraisonnée sur les mythes fondateurs, etc. Elle devient l’une des pièces agissantes du renversement du Système. Dans des conditions historiques différentes, Sultan Galiev pour les musulmans, Li Da-zhao pour les Chinois ont en leur temps théorisé une notion approchante, considérant que le peuple musulman, d’un côté, chinois de l’autre, pouvaient, par déplacement dialectique provisoire, être dans leur ensemble considérés comme une classe opprimée en prise avec le Système à renverser. Chaque nation entrant en résistance frontale, pour autant qu’elle s’identifie avec l’émancipation générale, devient ainsi de nouveau historiquement justifiée. On a peut-être une chance de voir alors se produire l’encerclement des villes de l’Empire par les campagnes, les bases arrières et les focos.


Pour un nouveau différentialisme et un souverainisme de libération


Les particularités culturelles, les richesses nationales, individuelles et naturelles sont des armes que le mot d’ordre de world-culture, claironné par les altermondialistes-mondialistes, lors de leurs rassemblements champêtres, désamorce. Plus que quiconque, les artistes - parlons-en - devraient se préoccuper de marquer leurs différences, d’imposer des styles nouveaux et des concepts baroques, d’instiller des idées réactives, de dynamiter les formes étroites dans lesquelles on veut les faire entrer. Eux les premiers devraient se méfier d’instinct de la gadoue musicale qu’on leur propose comme horizon indépassable. Eux les premiers devraient imposer de nouvelles formes poétiques et un style adapté à la lutte contre l’homogénéisation totalitaire qui tend à les émasculer. Leur ouvre est écrasée sous les impératifs de production. La créativité a disparu devant la productivité. Qu’ils se donnent enfin les moyens d’être eux-mêmes : "Que chacun découvre pour la prendre en charge, en usant de ses moyens (la langue, les ouvres, le style) sa différence, écrivait encore Henri Lefebvre, au temps de son Manifeste différentialiste, ajoutant : "Qu’il la situe et l’accentue". Car exister, c’est agir. Et créer.


Dans d’autres domaines, il s’agirait également de repenser la modélisation de la dialectique, le renversement des tabous historiques et idéologiques, la défétichisation des concepts usés jusqu’à la corne par des philosophes ordonnés au Système (ou, pour certains l’ordonnant), de remettre en chantier une théorie de la subjectivité qui ne soit pas subjectiviste, etc. Un laboratoire d’élaboration conceptuelle serait le bienvenu (appelons-le Projet Archimède, du nom du grand scientifique grec de Sicile qui cherchait un point d’appui et un levier pour soulever le monde), sorte de fight-club de la théorie qui se donnerait comme objectif la critique impitoyable de l’existant dans sa totalité. Il faut retrouver l’idée de mouvement, en lui incluant bien sûr une logique de la stabilité qui sied à toute défense identitaire.


Face aux hyperpuissances d’homogénéisation, il est grand temps que l’antimondialisation réelle et efficace présente un front uni et international des différences, un bloc historique constitué par une armada pirate se lançant à l’abordage des vaisseaux de l’Empire.


Avant de réclamer une autre forme de mondialisation, une mondialisation toujours plus ouverte, c’est-à-dire de poursuivre, sur un mode de contestation bobo-docile, la mondialisation capitaliste par d’autres moyens en bradant dès aujourd’hui le monde aux multinationales comme si elles étaient au service de l’Internationale prolétarienne, les mouvements d’altermondialisation-mondialistes-contre-le-capitalisme-sauf-s’il-est-humain doivent prendre conscience que chaque peuple, chaque langue, chaque ethnie, chaque individu, chaque particularité est un reflet de l’universel, un éclat d’humanité. Pour l’avoir oublié, nous sommes entrés dans la norme de la société du "on", où se déploie le Règne de la Quantité annoncé par René Guénon, un monde de grisaille suant la "nullité politique" décrite par Hegel, qui n’est plus régulé que par la seule loi de la valeur capitaliste, l’habitude, l’hébétude et la résignation. Il est temps d’y remettre de la couleur et du mouvement, et, ce faisant, trouver les formes possibles du dépassement de la contradiction actuelle et aider à la prise de conscience de la dialectique de l’histoire présente.


Cette invitation aux particularités ne doit pas se faire de manière parodique ni mimétique, comme nous y invite le Système, mais en Vérité, comme parle l’Évangile, la vérité "révolutionnaire" de Gramsci et celle qui "rend libre" de saint Jean. C’est-à-dire comme un moment essentiel d’un projet de révolution maximale, ayant pour objectif d’inventer un nouveau style de vie. "Tout simplement, je veux une nouvelle civilisation", disait Ezra Pound. C’est bien le moins auquel nous puissions prétendre.


Ce n’est qu’en procédant par étapes que l’on pourra intensifier infiniment la différenciation de l’humanité dans le sens de l’enrichissement et de la diversification de la vie spirituelle, des courants, des aspirations et des nuances idéologiques. Dès à présent, l’internationalisme véritable, au lieu d’être l’idiot utile du capitalisme, doit s’opposer à toutes les tentatives d’homogénéisation mondiale et tendre à défendre sur le mode symphonique les particularismes nationaux, en tant qu’ils peuvent se constituer en fractions d’un souverainisme de libération, mais aussi les particularismes régionaux et individuels. Tel doit être le véritable projet des adversaires du mondialisme. Le reste n’est que bavardage, compromission et désertion en rase campagne.


Que cent fleurs s’épanouissent !


Paul-Eric Blanrue

mercredi, 06 août 2008

Bernd Rabehl: 70 ans !

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Bärbel RICHTER:

Hommage à Bernd Rabehl pour ses 70 ans !

Les conformistes de gauche disent de lui qu’il est un rénégat mais une seule chose le rebutait essentiellement: la partialité et le sectarisme dans lesquels se complaisaient volontairement tant de militants au siècle des idéologies. Bernd Rabehl s’est toujours frayé un chemin entre les contradictions du monde politique, entre les blocs idéologiques, soutenu en cette errance par un esprit de joueur inné. Ce goût de l’errance et du jeu lui est venu carrément dès le berceau. En 1944, en pleine guerre, sa mère demande le divorce. Son père, adjudant d’état-major dans les services médicaux de l’armée et féru de jeux de hasard, s’installe à l’Ouest après la guerre. Son ex-femme et ses enfants restent à l’Est, à Rathenow dans le Brandebourg. Cette décision du père marquera durablement l’itinéraire politique de Bernd Rabehl. Mais les impressions les plus marquantes de son enfance sont évidemment les bombardements nocturnes, les hurlements de sirènes et les signaux de la BBC, car sa mère écoutait en secret les “émetteurs ennemis”.

Le goût et le talent pour le théâtre de la politique, il les a acquis fort tôt, encouragé par ses professeurs. En 1948 déjà, quand beaucoup d’autres jeunes allemands de la zone soviétique refusaient de s’y engager, il adhère à la FDJ (le mouvement de jeunesse du régime). Il devient membre d’un groupe théâtral d’agitprop communiste et s’y taille une réputation de bon acteur. En  1949, il est présent lors de la cérémonie du 8 mai au cimetière militaire soviétique de Rathenow: le garçonnet de 11 ans est debout face aux formations d’honneur de l’armée rouge et des délégations du parti et des “comités d’entreprise”, ainsi que des “masses populaires” présentes bon gré mal gré. Il récite des poèmes d’Erich Weinert ou de Johannes R. Becher. Il chante dans le choeur “Karl-Marx”. C’est là qu’il apprendra l’hymne légendaire de la révolution bourgeoise, “Die Gedanken sind frei” (“Les idées sont libres”). Ce chant est resté depuis lors son chant favori.

En 1952, quand tous avaient finalement adhéré à la FDJ et renoncé à la confirmation chrétienne au profit de la “Jugendweihe” (“L’initiation de la jeunesse”), lui, las de tant de conformisme, par défi, opte pour la confirmation. Le prêtre luthérien explique au jeune confirmé que le Christ avait été un “combattant de la liberté”. Son choix n’eut aucune conséquence: personne ne lui en tint rigueur.

Le 17 juin 1953, lors du soulèvement des ouvriers berlinois contre le régime pro-soviétique, il apprend, sur les barricades, à connaître des communistes et des socialistes oppositionnels. Un camarade de classe disparaît pour dix ans dans un pénitencier car il avait été impliqué dans l’assassinat d’un espion de la STASI, connu de tous dans la ville. Rabehl, lui, arrache le portrait de Staline qui ornait sa classe. Après que le soulèvement populaire eut été écrasé, le socialisme du régime n’eut plus d’attrait pour lui. Plus tard, il suivit à la radio, captivé, les récits de l’insurrection hongroise et des grèves générales polonaises de 1956.

Enfant d’ouvrier  —sa mère travaille dans une équipe de nettoyage—  il peut achever ses études secondaires à l’ “Oberschule”. Pour sa composition de maturité (“Abitur”), il est libre de choisir le thème; il décide de parler de “la mort” et écrit une variation sur Walter Ulbricht et la mort de la RDA. Conséquence: le secrétaire du parti convoque l’ensemble des élèves de dernière année dans le grand auditorium de l’école. Il exige que Rabehl fasse son auto-critique. Mais au lieu de se rétracter, il dénie une fois de plus tout avenir à la RDA. Silence de mort dans la salle. La sanction est toutefois modérée: on ne lui donne pas son diplôme de fin de secondaire; il doit redoubler sa classe puis “faire ses preuves dans la production”. C’est là qu’il rencontre les anciens meneurs de la grève générale du 17 juin 1953. On lui interdit alors de s’inscrire en histoire et il ne reçoit l’autorisation de n’étudier que l’agronomie à la “Humboldt-Universität” de Berlin-Est. Quatre semaines après, il franchit la ligne de démarcation et s’installe à Berlin-Ouest.

L’édification du Mur de Berlin, en 1961, hérisse ce jeune homme qui, lui, avait encore eu le temps de franchir la ligne sans devoir essuyer de coups de feu. De nombreux jeunes, dont Rudi Dutschke, qu’il ne connaissait pas encore à l’époque, marchent vers le Mur pour protester. Lorsqu’ils tentent, avec un piolet, de jeter bas le Mur, la police militaire américaine intervient et disperse les jeunes manifestants.

Pendant l’automne de l’année 1961, Rabehl entame des études de sociologie, de philosophie et d’histoire d’Europe orientale à la “Freie Universität” de Berlin. Parmi ses professeurs, il y avait bon nombre de communistes dissidents, dont Otto Stammer; bien vite, Rabehl et Rudi Dutschke prennent contact avec la “Subversive Aktion”, qui gravitait autour de Dieter Kunzelmann. Leur but? Démasquer le caractère autoritaire et non démocratique de l’Etat et de la société par des provocations bien ciblées. En 1965, le groupe rejoint le SDS (les étudiants de la gauche extra-parlementaire), où il constituera la principale fraction. Dans les années cruciales de 1967 et 1968, Rabehl appartient au comité dirigeant du SDS.

Après l’attentat contre Dutschke en avril 1968, Rabehl tentera de maintenir le mouvement dans le sens où Dutschke l’avait voulu. Ce sera l’échec. L’opposition extra-parlementaire  (APO) se délite et se fractionne en sectes et groupuscules; une partie des militants “se militarisent”. Quant à Rabehl, il entame sa carrière d’enseignant universitaire.

Trente ans après, en 1998, d’anciens militants du SDS se réunissent à l’occasion d’un symposium et fixent leur ligne pour l’avenir: s’immerger dans la coalition socialiste-libérale, sous prétexte que c’est “une nécessité”. Rabehl n’admet pas cette démarche. Il choisit une fois de plus un chemin de traverse, une voie ardue, et commence à évoquer la dimension “nationale-révolutionnaire” de 68, que Dutschke et lui incarnaient tout particulièrement. Il prononce un exposé dans ce sens devant les étudiants nationaux-conservateurs de la Corporation “Danubia” de Munich. Rabehl venait alors de franchir le pas qui le mènera là où il se trouve aujourd’hui: dans l’espace de la dissidence la plus osée, en restant conséquent avec sa logique subversive et révolutionnaire mais en suscitant l’incompréhension de beaucoup. Rabehl n’a jamais été un rénégat: bien plutôt un dialecticien pragmatique. Le discours tenu à la Danubia de Munich, et la plupart de ses exposés, articles et essais prononcés ou publiés depuis 1998, se situent pourtant dans le même esprit que celui de la “Subversive Aktion”: ils ne dénoncent peut-être plus les mêmes ennemis qu’hier mais concentrent le tir sur les “camarades” de jadis qui se sont alignés sur l’une ou l’autre fraction de l’établissement.

Le 30 juillet 2008, Bernd Rabehl fêtera ses 70 ans. Ad multos annos!

Bärbel RICHTER.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°31-32/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).